Chapitre 16: Syndromes vestibulaires

E. Blin
O. Dumas

« Qu’est-ce qui force l’homme à ouvrir les yeux sinon le besoin de vertige ? »

Raymond Abellio

Réflexe vestibulo-oculomoteur (RVO) et stratégie substitutive saccadique précoce

Généralités

Le réflexe vestibulo-oculomoteur (RVO) est trineuronal ; son action consiste dans la stabilisation du regard dans l’espace lors des mouvements actifs comme passifs de la tête, et ce quelle que soit la vitesse du mouvement de celle-ci ; pour le réflexe canalo-oculaire, on distingue les basses et moyennes vitesses de rotation de la tête, inférieures à 100°/s, des hautes vitesses, supérieures à 100°/s.
Il existe donc deux RVO, le réflexe canalo-oculaire et le réflexe maculo-oculaire. Ils se différencient par leurs codages, le premier codant pour les accélérations angulaires, le second pour les accélérations linéaires de la tête. Ces deux réflexes interagissent dans les stratégies de stabilisation du regard. La fonction maculaire module la fonction canalaire par la voie cérébelleuse.

Latence du RVO

Chez le sujet normal et jeune, la latence du RVO est d’environ 7 ms (± 1,5 ms). Elle peut augmenter avec l’âge comme dans le cadre de certaines pathologies ou dysmorphologies susceptibles d’atteindre les récepteurs sensoriels (cellules ciliées vestibulaires), les voies, comme les effecteurs (muscles oculomoteurs extrinsèques et leurs commandes centrales). Une latence trop élevée sera à l’origine d’un déphasage entre mouvement de la tête et mouvement des yeux.

Gain du RVO canalaire

Le gain du réflexe canalaire (vitesse angulaire des yeux/vitesse angulaire de la tête) varie en fonction de la vitesse du mouvement de la tête. Il est voisin de 1 pour les vitesses de mouvements de tête supérieures à environ 100°/s. Pour les mouvements inférieurs à cette vitesse, le gain varie entre 0,4 et 0,8 [1, 2]. Le gain du RVO est alors inhibé par le cervelet vestibulaire, la poursuite oculaire lente générée par le glissement rétinien de l’image sur la rétine périphérique étant suffisamment performante pour stabiliser le regard sur une cible visuelle fixe dans l’espace [1].
Lors des mouvements de rotations de tête dans le plan horizontal, dans les plans verticaux et lors des inclinaisons de tête dans le plan frontal, le gain du RVO canalaire est tel que décrit plus haut ; dans ces mêmes inclinaisons maintenues dans le plan frontal, le gain du RVO maculaire cherchant à générer une contre-rotation statique des globes oculaires est faible, de l’ordre de 0,1 [2] ; malgré cela, la perception de l’horizontalité (ou de la verticalité) de la scène visuelle est rendue possible par l’intégration réalisée au niveau du cortex visuel primaire [2].

Voies du RVO

Le premier neurone du RVO, ou neurone primaire ou neurone vestibulaire

Généralités
Le premier neurone du RVO afférente par ses dendrites les cellules ciliées des crêtes ampullaires (canaux semi-circulaires) ou des macules otolithiques (utricule et saccule). Un neurone peut afférenter une comme plusieurs cellules ciliées (parfois jusqu’à plus de 20), des cellules ciliées de type I comme de type II selon la localisation de chacune d’elles au sein de la macule otolithique ou de la crête ampullaire (figure 16.1A).
image
Figure 16.1 Le neurone primaire du réflexe vestibulo-oculomoteur (RVO).
A. Afférentation des cellules ciliées par les neurones primaires du RVO. B. Les différents nerfs constituant le nerf vestibulaire. C. Le nerf vestibulaire dans son ensemble, depuis les organes sensoriels périphériques jusqu’aux noyaux vestibulaires.
Les neurones vestibulaires primaires sont myélinisés ; la gaine de Schwann des neurones phasiques (afférentant les cellules ciliées de type I) est plus épaisse que celle des neurones toniques (afférentant les cellules ciliées de type II), permettant ainsi une conduction plus rapide des potentiels d’action neuronaux.
La synapse avec la cellule ciliée est de type glutamatergique. La synapse des cellules ciliées de type I est dite « en calice », celle des cellules de type II « en bouton ».
Les extensions dendritiques des neurones primaires se réunissent pour constituer le nerf ampullaire de chacun des trois canaux semi-circulaires ainsi que le nerf utriculaire et le nerf sacculaire (figure 16.1B).
Le nerf ampullaire horizontal, le nerf ampullaire antérieur et le nerf utriculaire se réunissent pour former le nerf vestibulaire supérieur ; le nerf ampullaire postérieur et le nerf sacculaire se réunissent pour former le nerf vestibulaire inférieur.
Les noyaux des neurones primaires se situent dans les ganglions de Scarpa des nerfs vestibulaires supérieur et inférieur. Ces derniers se trouvent dans le conduit auditif interne. Le nerf vestibulaire axonal pénètre la fosse cérébrale postérieure par le méat auditif interne, gagne le sillon bulboprotubérantiel pour afférenter les noyaux vestibulaires sur le plancher du 4e ventricule (figure 16.1C).
Pathologies associées au neurone primaire
Neuronite vestibulaire
La neuronite vestibulaire est la plus fréquente des maladies atteignant le premier neurone de la voie du RVO. Elle est la 4e cause de vertige aigu périphérique (4 %) après le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB), la maladie de Menière, la migraine vestibulaire [3]. Son incidence se situe entre 1,7 (Royaume-Uni) et 3,5 (Japon) cas pour 100 000 habitants par an. Le sex-ratio est de 50 % et l’âge de prédilection se situe entre 30 et 60 ans [4]. On admet qu’il s’agit d’une atteinte virale (primo-infection ou réactivation) de tout ou partie du nerf vestibulaire ; le virus herpès simplex type 1 a été retrouvé dans certains cas. On trouve aussi la dénomination de névrite vestibulaire lorsque seul un ou plusieurs nerfs ampullaires sont atteints. La névrite du nerf vestibulaire supérieur est de loin la plus fréquente (70 %) ; vient ensuite la névrite de tout le nerf ; la névrite du nerf vestibulaire inférieur est rare. Le diagnostic différentiel se fait avant tout avec une lésion centrale située dans la fosse cérébrale postérieure (tronc cérébral et cervelet) d’origine ischémique, hémorragique ou plus rarement tumorale. Une atteinte ischémique des artères terminales du territoire de l’artère auditive interne peut aussi mimer une névrite vestibulaire. Il s’agit le plus souvent du syndrome de Lindsay-Hemenway avec atteintes déficitaires dans le même territoire que celui du nerf vestibulaire supérieur par oblitération thrombo-embolique de l’artère vestibulaire antérieure. Le diagnostic différentiel est élaboré à partir d’examens complémentaires (potentiels évoqués otolothiques myogéniques [PEOM], audiométrie) comme des antécédents ou facteurs de risques vasculaires du patient.
Schwannome vestibulaire
Le schwannome vestibulaire ou neurinome de l’acoustique est une tumeur bénigne, de croissance généralement lente, qui se développe aux dépens de la gaine myélinisée du neurone primaire, les cellules de Schwann. Le plus souvent initialement localisé au nerf vestibulaire inférieur (stade 1), il peut croître et envahir (englober) l’ensemble du nerf vestibulaire, le nerf cochléaire, le nerf facial et parfois le trijumeau lors de stades avancés (stades 3 et 4) (figure 16.2A). Il peut rester silencieux assez longtemps quant aux symptômes cochléaires comme vestibulaires. Il se manifeste sur le RVO dans la plupart des cas par un syndrome déficitaire, dans quelques rares cas par un syndrome irritatif avec un nystagmus spontané battant côté atteint et une prépondérance directionnelle nystagmique ipsilatérale au côté atteint. Les manifestations peuvent être aiguës à type de vrais vertiges pouvant mimer une névrite vestibulaire, comme chroniques à type d’instabilité. La compensation centrale se met généralement en place au fur et à mesure que s’installe le déficit.
image
Figure 16.2 A. Schwannome vestibulaire droit stade 2 – IRM. B. Fracture du rocher droit – TDM. C. Conflit vasculonerveux du VIII – IRM.
Fracture du rocher
La fracture du rocher, lorsqu’elle est translabyrinthique, est associée dans la très grande majorité des cas à une cophose et une aréflexie vestibulaire ipsilatérales la plupart du temps définitives (figure 16.2B).
Boucle vasculaire
La boucle vasculaire ou conflit neurovasculaire est une anomalie de positionnement d’une artère venant comprimer le paquet acousticofacial. L’artère cérébelleuse antéro-inférieure est la plus fréquemment impliquée, puis viennent dans l’ordre décroissant l’artère cérébelleuse postéro-inférieure et l’artère vertébrale (12 %). Le conflit peut se situer à proximité du méat auditif interne (20 à 27 %) comme à l’intérieur de celui-ci (15 à 40 % [5], particulièrement en présence d’une dolicho-ectasie (figure 16.2C). Rarement, le conflit peut avoir pour origine une veine. Les manifestations cliniques vestibulaires montrent des vertiges positionnels pouvant être invalidants ; parfois, les épisodes peuvent évoquer une crise de Menière. Les symptômes peuvent être accompagnés de nystagmus de directions variables. Les autres manifestations sont cochléaires ou faciales, un acouphène unilatéral, une surdité rétro-cochléaire progressive, un hémispasme facial.
Dans les cas invalidants avérés par l’IRM, un traitement chirurgical par décompression peut être proposé, avec interposition d’un tampon isolant comme montré dans la figure 16.3.
image
Figure 16.3 A, B. Traitement chirurgical d’un conflit vasculonerveux du VIII.
Pathologies inflammatoires démyélinisantes
Les pathologies inflammatoires démyélinisantes comme la sclérose en plaques (SEP) peuvent atteindre le neurone primaire (4 % des SEP) en particulier dans sa portion située entre la REZ (root entry zone) ou zone d’émergence du nerf, et les noyaux vestibulaires. Au niveau de la REZ, la gaine de myéline change en effet de nature ; elle est constituée de cellules de Schwann dans la partie distale périphérique du nerf, d’oligodendrocytes dans sa partie proximale centrale.

Noyaux vestibulaires

Généralités
Situés sur le plancher du 4e ventricule, les noyaux vestibulaires sont au nombre de quatre et symétriques. Leurs afférences ne sont pas que vestibulaires (canalaires ou maculaires) ; elles sont aussi visuelles, cérébelleuses, spinales et supratentorielles jusqu’au niveau cortical.
  • Les noyaux vestibulaires latéraux ne reçoivent pas d’afférence vestibulaire.
  • Les supérieurs sont le siège d’afférences canalaires, majoritairement des canaux verticaux.
  • Les médians sont le siège d’afférences canalaires, majoritairement des canaux horizontaux, et utriculaires.
  • Les inférieurs sont le siège d’afférences canalaires et maculaires, utriculaires comme sacculaires.
Les noyaux vestibulaires communiquent entre eux par liaisons commissurales. Le rôle de ces liaisons est prééminent lors d’un déficit vestibulaire unilatéral où elles participent aux processus de la compensation [6] (figure 16.4).
image
Figure 16.4 Les noyaux vestibulaires (NV).
Pathologies associées aux noyaux vestibulaires
Il s’agit essentiellement de l’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique ou hémorragique du bulbe dans le territoire de l’artère cérébelleuse postéro-inférieure (PICA). C’est le syndrome de Wallenberg qui associe un tableau de vertige aigu, pouvant mimer un déficit vestibulaire aigu périphérique, mais avec une ataxie plutôt modérée. Les signes à rechercher sont, du côté de la lésion, un syndrome de Claude Bernard-Horner, un ptosis, un myosis, une énophtalmie par atteinte du sympathique, une diminution de la sensibilité thermo-algique de l’hémiface et une paralysie de l’hémivoile par atteinte du trijumeau. Du côté opposé à la lésion, on recherche une hypoesthésie thermo-algique de tout l’hémicorps épargnant la face par atteinte du faisceau spinothalamique. Il existe généralement des céphalées postérieures.
L’examen clé aux urgences afin d’établir le diagnostic différentiel central/périphérique est le HINTS (Head Impulse Nystagmus Test of Skew) qui recherche trois signes en faveur d’un syndrome central : l’absence de catch-up saccades (saccades de refixation) lors du test clinique HIT (Head Impulse Test de Halmagyi et Curthoys), un gaze nystagmus (nystagmus du regard excentré) et une skew deviation (désalignement vertical des deux yeux à rechercher par le cover-test). Lorsque les trois signes sont présents, cet examen a une sensibilité de 96,8 % et une spécificité de 98,5 % en faveur d’un AVC. Aujourd’hui, il est montré qu’il est préférable de réaliser ce test avec l’examen instrumenté VHIT (Video Head Impulse Test) plutôt que le simple HIT clinique [7].

Deuxième neurone du RVO ou neurone secondaire

Généralités
Le corps de la cellule se situe dans l’un des noyaux vestibulaires, selon l’origine du signal qu’il fait transiter, canalaire vertical ou horizontal, utriculaire, sacculaire. Son trajet axonal diffère aussi selon le signal qu’il est amené à transmettre : pour un signal de codage provenant des canaux semi-circulaires horizontaux il afférente le noyau abducens (VI) soit homolatéral, soit controlatéral ; pour un signal de codage provenant des canaux semi-circulaires verticaux, il afférente soit le noyau oculomoteur (III), soit le noyau trochléaire (IV) pour un signal de la commande du muscle oblique supérieur.
Pathologies associées au neurone secondaire
Ce sont les AVC protubérantiels, la SEP, certaines tumeurs.

Troisième neurone du RVO ou neurone tertiaire

Généralités
Pour la voie horizontale du RVO, le troisième neurone afférente directement le muscle droit latéral (abduction de l’œil), ou bien transite par le noyau oculomoteur (III), interneurone, pour afférenter le muscle droit médial (adduction de l’œil).
Pathologies associées au neurone tertiaire
L’ophtalmoplégie internucléaire est caractéristique de l’atteinte des neurones qui transitent depuis le noyau abducens jusqu’aux muscles droits médiaux. Elle résulte d’une anomalie siégeant sur le faisceau longitudinal médian. On observe une paralysie complète ou partielle de l’adduction de l’œil situé du côté de la lésion, provoquant une diplopie lors du regard dévié du côté sain. Un nystagmus battant vers le côté sain est souvent observé sur l’œil controlatéral à la lésion lors du regard dévié vers le côté sain ; la convergence oculaire n’est pas touchée. On la rencontre chez le sujet jeune dans la SEP où elle peut être bilatérale, chez le sujet âgé lors d’AVC généralement ischémique où elle est unilatérale (figure 16.5). D’autres causes plus rares sont observées : un processus tumoral, la maladie de Lyme, la malformation d’Arnold-Chiari, un traumatisme crânien, une intoxication médicamenteuse (antidépresseurs tricycliques, opiacés, etc.) [4].
image
Figure 16.5 AVC localisé sur le faisceau longitudinal médian – IRM T1.
Le syndrome « un et demi » de Fischer est plus rare. Il associe une ophtalmoplégie internucléaire d’un côté avec adduction de l’œil impossible et une absence de mouvements horizontaux dans les deux directions (paralysie de la latéralité) de l’œil opposé (figure 16.6) [4].
image
Figure 16.6 Les voies du réflexe vestibulo-oculomoteur.

Voies vestibulocérébelleuses

Le cervelet vestibulaire reçoit des afférences des noyaux vestibulaires par l’intermédiaire de voies à un, deux ou trois neurones pouvant atteindre le nodulus, le vermis cérébelleux, le noyau fastigial, le flocculus et les cellules de Purkinje du cortex cérébelleux (figure 16.7).
image
Figure 16.7 Les voies vestibulo-cérébelleuses.
ND : noyaux dentelés ; NF : noyaux fastigiaux ; NO : nodulus ; Fl : floculus ; IV vent. : IVe ventricule.
L’action du cervelet est à la fois inhibitrice et désinhibitrice sur le signal vestibulaire canalaire et maculaire [4].
Il existe une voie directe maculocérébelleuse à trois neurones ; elle chemine via le nodulus et le noyau fastigial. Elle permet aux signaux maculaires de parvenir au cervelet plus précocement que ne le font les signaux canalaires [4]
Il est admis que le cervelet vestibulaire joue un rôle prédominant dans les mécanismes d’habituation et d’adaptation du RVO [4].

Voies secondaires du RVO

Il existe deux voies du RVO dites secondaires ou voies de l’intégrateur. L’une concerne les signaux provenant des canaux semi-circulaires horizontaux, l’autre des canaux semi-circulaires verticaux.
La voie horizontale naît des noyaux vestibulaires vers les noyaux prepositus hypoglossi du tronc, eux-mêmes situés à proximité des noyaux vestibulaires mais en position plus médiane, sur le plancher du quatrième ventricule (figure 16.8A). Ces noyaux jouent un rôle double dans la fonction du RVO : d’une part, ils intègrent le signal canalaire horizontal, un signal initialement de vitesse sera codé en signal de position ; d’autre part, ils jouent un rôle de stockage du signal de vitesse (velocity storage) qu’ils vont déstocker bien au-delà de la persistance du signal canalaire ; c’est ainsi que la constante de temps du signal canalaire (constante de temps de la cupule) est de 4,5 secondes, celle du RVO étant en moyenne de 17 secondes (15 à 20 secondes) [4].
image
Figure 16.8 Les voies secondaires du RVO.
A. Voie horizontale. B. Voie verticale.
Dans les pathologies associées aux noyaux prepositus hypoglossi, le signe vestibulaire d’une atteinte généralement ischémique du bulbe (PICA), le plus souvent chez le sujet âgé, dans le territoire de ce noyau, sera une diminution de la constante de temps du RVO [4].
La voie verticale naît des noyaux vestibulaires vers les noyaux interstitiels de Cajal situés plus haut dans le mésencéphale (figure 16.8B). Ceux-ci jouent le même rôle d’intégration du signal canalaire vertical (canaux semi-circulaires postérieurs et supérieurs). Ils n’ont pas de capacité à stocker le signal ; c’est ainsi que les constantes de temps cupulaire et du RVO vertical sont voisines [4].

Codage du RVO

La cellule ciliée vestibulaire est un transducteur mécano-électrique ; son codage se fait par modulation de la fréquence du signal émis.
Le sens du mouvement excitateur pour la cellule est celui où les stéréocils se rapprochent du kinocil, permettant ainsi l’ouverture des canaux ioniques potassiques aboutissant à la dépolarisation de la cellule ; le sens inhibiteur correspond aux phénomènes inverses.
Pour les canaux semi-circulaires horizontaux, le sens excitateur correspond à un mouvement de l’endolymphe dans le sens ampullipète, depuis la périphérie du canal vers l’ampoule ; le sens inhibiteur correspond à un mouvement de l’endolymphe dans le sens ampullifuge, depuis l’ampoule vers la périphérie du canal.
Pour les canaux semi-circulaires verticaux supérieurs et postérieurs, le sens ampullifuge est excitateur, le sens ampullipète est inhibiteur.

Cellules ciliées

Cellules ciliées de type II ou toniques

Ce sont les plus anciennes des cellules ciliées vestibulaires retrouvées au cours de la phylogenèse. Elles ont un potentiel de décharge au repos, à l’immobilité de la tête, d’où leur dénomination ; il se situe aux environs de 100 Hz [4]. Ces cellules sont bidirectionnelles : elles sont capables de coder dans le sens excitateur comme dans le sens inhibiteur. En excitation, leur profondeur de modulation peut atteindre plusieurs centaines de Hz ; en inhibition, la bande passante de leur signal se situe entre 100 Hz et 0 Hz. Elles codent donc pour des seuils d’accélérations de mouvements de tête dans un sens comme dans le sens opposé. Elles sont dédiées au codage des mouvements de tête aux basses et moyennes accélérations. Leur synapse est en forme de « bouton » (figure 16.9A).
image
Figure 16.9 Les cellules ciliées type II (A), type I (B) et leur répartition sur la crête ampullaire (C).

Cellules ciliées de type I ou phasiques

Ces cellules sont absentes chez les poissons par exemple ; leur apparition au cours de la phylogenèse date de l’émergence du cou, permettant la mobilisation rapide de la tête sur le tronc. À l’immobilité de la tête, elles sont silencieuses. Elles ne codent que pour les mouvements d’accélération rapide de la tête ; leur activité est donc transitoire, d’où leur dénomination. Elles sont unidirectionnelles : elles ne codent que pour les mouvements d’accélération de la tête dans leur sens excitateur. La bande passante de leur codage se situe entre 10 Hz et 150 Hz. Leur synapse est en forme de « calice » (figure 16.9B).
Les cellules toniques et phasiques sont réparties sur la crête ampullaire des canaux semi-circulaires selon un nombre croissant de cellules phasiques en montant vers l’apex et un nombre croissant de cellules toniques en descendant vers la base. Dans la partie médiane de la crête ampullaire, on trouve donc ces deux types de cellules en nombre égal. C’est ainsi que peut être assuré avec la meilleure transition le codage tonique et phasique, celui entre mouvements d’accélérations lentes et rapides de la tête (figure 16.9C).
Sur les macules otolithiques, les cellules phasiques se trouvent majoritairement à proximité de la striola, les cellules toniques à distance de celle-ci. Stéréocils et kinocils sont orientés inversement de part et d’autre de la striola.
L’appareil constitué de la lumière du canal semi-circulaire, de l’endolymphe qu’elle contient, de la cupule et de la crête ampullaire est un accéléromètre angulaire dans les différents plans : le plan horizontal pour les canaux latéraux, le plan RALP (right-anterior-left posterior) pour les canaux antérieur droit et postérieur gauche, le plan LARP (left-anterior-right posterior) pour les canaux antérieurs gauche et postérieur droit. Ces appareils peuvent être assimilés au modèle physique du pendule fortement amorti qui, aux très basses vitesses d’oscillation, est en phase avec le signal d’accélération subi. Aux basses et moyennes vitesses, il intègre le signal d’accélération en signal de vitesse, et aux vitesses élevées, il est un double intégrateur ; il est alors en déphasage de 180°. Cela signifie qu’aux très basses vitesses de mouvements de la tête (non physiologiques), les canaux semi-circulaires codent selon l’accélération de la tête, qu’aux basses et moyennes vitesses, ils codent selon la vitesse de la tête et qu’aux hautes vitesses, ils codent selon la position de la tête. Lors des mouvements de tête à forte accélération, ce signal peut alors être appliqué directement et instantanément à la commande des mouvements oculaires afin de stabiliser la position des yeux dans l’espace [4].
Il est essentiel de retenir deux éléments qui vont déterminer nos moyens d’exploration du RVO ainsi que nos stratégies thérapeutiques :
  • aux basses et moyennes vitesses de mouvements de la tête, le codage canalaire est bidirectionnel ; les mouvements des yeux que l’on observe (phases lentes des nystagmus) sont donc générés par les systèmes canalaires des deux labyrinthes selon le principe push-pull excitation-inhibition. Le gain normal du RVO se situe entre 0,4 et 0,8 ;
  • aux hautes vitesses de mouvements de tête, ce codage est unidirectionnel ; ces mêmes phases lentes sont alors générées par le système canalaire d’un seul labyrinthe ; pour les mouvements horizontaux, il s’agit du labyrinthe placé du côté du sens du mouvement. La commande effectrice est rapide car nécessitant peu d’intégration centrale ; le gain du RVO est voisin de 1 chez le sujet sain.

Pathologies associées à la cellule ciliée ou sa synapse

  • L’hydrops endolymphatique, responsable de la maladie de Menière, affecte les cellules ciliées, initialement les cellules toniques (type II) ; plus tardivement au cours de la maladie, les cellules phasiques (type I) peuvent aussi être atteintes. On observe donc précocement un déficit aux examens caloriques alors que les gains du VHIT restent longtemps normaux.
  • Les atteintes ototoxiques sont rencontrées lors d’expositions des cellules ciliées à de nombreuses molécules ; la plus couramment observée implique les antibiotiques de la famille des aminosides, particulièrement la gentamicine. La sensibilité interindividuelle est variable ; la destruction est rarement totale, mais affecte souvent profondément les fonctions d’équilibration.
  • Il existe aussi des maladies auto-immunes de l’oreille interne, dont les symptômes peuvent mimer la maladie de Menière avec ses quatre signes cliniques, hypoacousie, vertige, acouphène, plénitude d’oreille. Le syndrome de Cogan associe une kératite aux signes cochléovestibulaires.
  • Parmi les maladies génétiques, on citera le syndrome d’Usher type 1 qui associe une perte de l’équilibre à une perte progressive de l’audition et de la vision (vision en tunnel) par rétinite pigmentaire.

Efférences du RVO

Les noyaux vestibulaires peuvent exercer sur les cellules ciliées des canaux semi-circulaires comme des macules otolithiques une action excitatrice et inhibitrice par la voie de neurones efférents. Le signal transmis sera traité au niveau de la synapse de la cellule ciliée où il agira sur la production des neurotransmetteurs synaptiques ; il peut aussi provoquer la contraction ou le relâchement de myofibrilles situées à la base de la touffe ciliaire, permettant ainsi de rigidifier ou libérer les mouvements des cils [8]. On peut supposer que cette action joue un rôle dans les mécanismes d’habituation et d’adaptation du système vestibulaire.

Muscles effecteurs

Il s’agit des muscles oculomoteurs extrinsèques. Ils sont au nombre de six :
  • les muscles droits médiaux et droits latéraux commandent les mouvements oculaires horizontaux, respectivement l’adduction et l’abduction ; ils sont respectivement sous la commande des noyaux occulomoteurs (III) et abducens (VI) qui reçoivent les signaux codés par les canaux semi-circulaires horizontaux ;
  • les muscles droits supérieurs et droits inférieurs commandent les mouvements oculaires verticaux, respectivement l’élévation et l’abaissement ; ils sont sous la commande des noyaux oculomoteurs (III) ;
  • les muscles obliques supérieurs et obliques inférieurs commandent les mouvements oculaires de cyclotorsion, respectivement l’incyclotorsion et l’excyclotorsion ; ils sont aussi accessoirement et respectivement abaisseur et élévateur de l’œil. Ils sont sous la commande respectivement du noyau trochléaire (IV) et du noyau oculomoteur (III).
Les muscles oculomoteurs se distinguent des autres muscles striés du corps humain par le nombre restreint de fibres innervées pour un seul neurone (10 à 100 fois moins important), la fréquence de l’influx nerveux efférent (4 fois plus importante), le nombre de types de fibres (2 fois plus nombreux), leur latence entre deux contractions (4 à 6 fois plus courte) [4].

Exploration du RVO

Instrumentation

  • Les lunettes de Frenzel (1950) ont longtemps servi à l’observation des nystagmus. Deux lentilles grossissantes (20 dioptries) permettent à l’observateur de visionner les yeux grossis et éclairés du patient dont la fixation est abolie par le floutage [9].
  • La vidéonystagmoscopie puis la vidéonystagmographie (E. Ulmer) sont aujourd’hui les instruments les plus utilisés dans l’analyse des nystagmus : une caméra filme l’œil (ou les deux yeux) en lumière infrarouge à l’intérieur d’un masque étanche à la lumière extérieure.
Dans les années 2000 ont été élaborés des instruments permettant l’analyse du RVO lors de mouvements rapides de la tête, à des vitesses dépassant 150°/s. Le VHIT, inventé par le Dr E. Ulmer en 2006, est aujourd’hui décliné sous plusieurs modalités instrumentales selon que la caméra se situe à distance du patient (caméra déportée et fixe dans l’espace) ou incluse dans des lunettes portées par le patient (caméra embarquée et mobile avec la tête). L’œil ou les yeux (selon les systèmes) sont filmés à une fréquence d’acquisition de 100 à 250 images par seconde (selon les systèmes) pour permettre une analyse précise de leurs déplacements durant le mouvement de la tête.
Avant toute exploration des nystagmus, un examen de l’oculomotricité doit être réalisé ; il permettra d’identifier une anomalie susceptible de perturber l’analyse du RVO comme un strabisme, un nystagmus congénital.

Nystagmus spontané

C’est le nystagmus qu’on peut observer tête parfaitement immobilisée depuis au moins 30 secondes. Il peut être d’origine centrale, mais le plus souvent il est d’origine périphérique et traduit une asymétrie de décharge des cellules ciliées toniques entre une oreille et l’oreille opposée ; cette asymétrie est nommée prépondérance directionnelle nystagmique, observée ici sur la fonction tonique. Le nystagmus spontané d’origine périphérique est partiellement ou totalement inhibé par la fixation selon son intensité. Le nystagmus spontané d’origine périphérique est toujours à plusieurs composantes, horizontale et/ou verticale et/ou torsionnelle – on décrit par exemple le nystagmus horizonto-rotatoire du déficit unilatéral –, exception faite dans le VPPB du canal horizontal où il est généralement horizontal pur. Le nystagmus spontané d’origine centrale peut être purement horizontal, purement torsionnel ou purement vertical, accompagné parfois d’une composante torsionnelle.
On lui décrit trois grades d’intensité selon la classification d’Alexander : le degré 1 où il n’est observable que dans le regard dévié du côté de la saccade ; le degré 2 où on l’observe aussi dans le regard central ; le degré 3 où il est présent dans les trois positions du regard, dévié du côté de la saccade, central, dévié du côté de la phase lente.
Les systèmes de vidéonystagmographie permettent de quantifier précisément la vitesse de phase lente ainsi que la direction et le sens d’un nystagmus spontané.

Recherche d’un nystagmus positionnel ou de position

Cette recherche se pratique sous observation vidéonystagmoscopique ; on recherche, selon différents protocoles, un VPPB du canal semi-circulaire postérieur par la manœuvre de Dix et Hallpike (figure 16.10A) ou la manœuvre de Rose et du canal semi-circulaire horizontal par le Supine Roll Test ou la Bow and Lean maneuver [10] (figure 16.10B).
image
Figure 16.10 A. Manœuvre de Dix et Hallpike. B. Manœuvre de Bow et Lean.

Épreuves cinétiques au fauteuil rotatoire

Ces épreuves permettent de déterminer, selon les épreuves, le gain du RVO, sa phase, d’identifier et de quantifier une éventuelle prépondérance directionnelle nystagmique canalaire, de calculer la constante de temps du RVO. On peut de même analyser le réflexe visio-vestibulo-oculaire (VVOR) ainsi que l’index de fixation oculaire (IFO) qui sont des indices de centralité. Cependant, en aucun cas ces épreuves ne peuvent déterminer un déficit vestibulaire car elles analysent la résultante du système push-pull de deux canaux semi-circulaires stimulés simultanément.
La gamme des valeurs normatives du gain du RVO se situe entre 0,4 et 0,8 pour ces épreuves à vitesse moyenne de stimulation rotatoire de la tête [2].
Il existe deux types d’épreuves cinétiques moyennes vitesses (les vitesses de mouvements de tête peuvent s’échelonner de quelques degrés par seconde à plus de 100 degrés par seconde) : les épreuves sinusoïdales et les épreuves appelées step tests.
Épreuves sinusoïdales
Leur stimulus est constitué de mouvements d’aller et retour de part et d’autre d’une position centrale selon une courbe sinusoïdale. L’intérêt d’un tel stimulus est de solliciter les canaux semi-circulaires horizontaux (voire les canaux verticaux dans les plans RALP et LARP) en permanence soit en accélération, soit en décélération (système push-pull) ; il est particulièrement adapté à la recherche d’une prépondérance directionnelle nystagmique [9]. Il en existe plusieurs types, selon que l’on fait varier l’amplitude et/ou la fréquence du stimulus : burst, sweep, épreuves sinusoïdales sur une fréquence donnée, épreuves multi-tours, épreuve pendulaire sinusoïdale amortie.
Épreuves dites en step test
On les nomme aussi épreuves impulsionnelles à arrêt brusque. Le stimulus est fait d’une accélération suivie d’une rotation à vitesse constante, elle-même suivie d’une décélération puis d’une phase d’arrêt ; le même stimulus est ensuite réalisé mais en sens inverse. L’intérêt de telles épreuves réside dans l’évaluation d’une éventuelle prépondérance directionnelle nystagmique susceptible de déranger le patient dans ses stratégies de stabilisation du regard lors des mouvements de la tête à moyennes vitesses. Mais elles permettent surtout d’évaluer la fonction du système de stockage des vitesses lors des phases de rotation ainsi que la capacité d’inhibition cérébelleuse lors des phases d’arrêt par la détermination de la constante de temps du RVO. Il en existe plusieurs, notamment l’épreuve des créneaux et l’épreuve rotatoire impulsionnelle (ERI) dont la pertinence est aujourd’hui partiellement remise en cause [11].
Attention : ces épreuves, particulièrement l’ERI, sont fortement soumises aux effets de l’inhibition centrale qui peut perturber aléatoirement les résultats. Il ne faut donc pas hésiter, en cas de doute, à reproduire l’épreuve en demandant au patient de réaliser conjointement une tâche cognitive afin qu’il minore le contrôle exercé sur ses mouvements oculaires.
Les épreuves cinétiques au fauteuil présentent l’intérêt de se rapprocher des conditions de vitesses dans lesquelles sont réalisés les mouvements de tête dans la vie de tous les jours. À cela près qu’elles sont malheureusement réalisées passivement ; il serait judicieux qu’elles puissent l’être, le sujet réalisant activement les mouvements, de sorte que soit mis en jeu le rôle de la proprioception cervicale comme celui de la programmation centrale du mouvement.
Épreuves caloriques
Ces épreuves permettent d’analyser la réflectivité des canaux semi-circulaires horizontaux, plus difficilement des antérieurs, jamais des postérieurs qui ne répondent pas à cette stimulation, et de quantifier un déficit canalaire ainsi qu’une prépondérance directionnelle. Habituellement, on ne teste que la fonction canalaire horizontale. L’épreuve est standardisée et, dans sa version classique, consiste à irriguer l’intérieur du conduit auditif externe alternativement avec de l’eau à 37 °C puis à 44 °C, et cela pour chacune des deux oreilles. On analyse pour chacune de ces quatre phases les réponses du RVO en retenant comme valeurs les pics de vitesse maximale des phases lentes des nystagmus ; ces pics sont appelés culminations. On ne connaît pas réellement la nature du stimulus. Il a longtemps été dit qu’il était de très basse fréquence, soit 0,003 Hz, selon une modélisation s’attachant au flux endolymphatique généré par les seuils de température. Aujourd’hui, on reconnaît plutôt que le réchauffement et le refroidissement des cellules ciliées ou de leurs synapses peuvent être à l’origine des réponses nystagmiques observées. L’épreuve peut aussi être réalisée à l’air chaud et froid, mais elle est alors moins pertinente et nécessite des insufflations plus longues que ne le sont les irrigations. La réalisation de ce test est chronophage, la réalisation des quatre phases de l’examen durant près de 30 minutes. Il existe des variantes de cette épreuve comme la stimulation binaurale simultanée permettant de mettre en évidence rapidement une prépondérance directionnelle nystagmique.
On a l’habitude de penser que l’épreuve calorique teste préférentiellement la fonction vestibulaire canalaire tonique.
Head Shaking Test (HST)
Ce test a été décrit tel qu’étant réalisé à une fréquence de 2 Hz, à une amplitude de 90° crête à crête et d’une durée de 10 secondes. Il s’agit donc de secouer passivement la tête du patient dans le plan horizontal à raison de deux aller et retour par seconde selon une amplitude de 45° de part et d’autre de la ligne médiane. La particularité de cet examen est dans l’observation de l’effet du stimulus non pas lorsqu’il est présent mais après son arrêt. Durant ces 10 secondes, le système de stockage aura joué son rôle ; on observe donc la façon dont il décharge :
  • réponse normale à l’examen : absence de nystagmus (symétrie des voies vestibulo-oculaires) ;
  • réponse anormale à l’examen : présence de nystagmus horizontaux droits ou gauches traduisant une asymétrie de la fonction canalaire et/ou du velocity storage.
Lorsqu’il est positif, ce test présente dans 80 % des cas deux phases et dans 10 % des cas trois phases. Certains ont tenté de comprendre la signification de ces deux phases ; nous sommes tentés de dire ici que seule la première phase des réponses au HST doit être prise en compte. Cet examen met en évidence à la fois la réflectivité canalaire horizontale et la fonction de stockage des noyaux prepositus hypoglossi. Lorsqu’apparaissent en fin de HST des nystagmus verticaux transitoires, le phénomène est nommé cross-coupling ; on parle alors de nystagmus pervertis, c’est la manifestation d’un trouble central. Le Dr C. de Waele a montré que la sensibilité du test HST dans les cas de déficits unilatéraux est comparable à celle du test vibratoire osseux, avec un léger avantage en faveur du test vibratoire.
Test vibratoire osseux vestibulaire (TVOV) de Dumas
Le Dr G. Dumas a donné ses lettres de noblesse à cette épreuve qui porte aujourd’hui son nom. Une vibration est appliquée sur les mastoïdes gauche et droite, éventuellement le vertex ; certains observent aussi l’effet des vibrations sur les muscles du cou. Le stimulus utilise différentes fréquences, 100 Hz qui est la plus couramment pratiquée, mais aussi 60 Hz et 30 Hz. Il est montré que l’effet de la vibration sur les deux labyrinthes est identique quelle que soit la zone crânienne stimulée ; il en résulte que l’examen est normal dès lors que la fonction vestibulaire est symétrique. Une réponse nystagmique horizontale gauche ou droite oriente donc vers un déficit du côté opposé. La même réponse à la vibration doit être observée de façon identique sur les différentes localisations pour que l’examen soit validé : nystagmus de même sens, soutenu, apparaissant dès le début de la simulation et disparaissant avec elle, ne présentant pas d’inversion secondaire et dont la vitesse des phases lentes doit être supérieure à 2°/s [12]. Ce test peut être réalisé sous lunettes de Frenzel, vidéonystagmoscopie ou enregistré sous vidéonystagmographie. Il n’y a pas de compensation possible à ces fréquences élevées, un déficit ancien compensé peut donc être révélé par le TVOV.
Head Impulse Test (HIT) et Video Head Impulse Test (VHIT)
Le HIT clinique ou test de Halmagyi et Curthoys (deux médecins australiens) est d’une utilisation simple en clinique ; il ne nécessite aucune instrumentation. Il permet d’objectiver, sans le quantifier, un déficit unilatéral de la fonction canalaire horizontale phasique. Le stimulus est un mouvement de tête passif, rapide (> 150°/s), de faible amplitude (entre 10° et 20°), exercé par le manipulateur vers la droite ou la gauche du patient qui a pour consigne de fixer une cible visuelle placée en face de lui. On recherche une saccade de recentrement du regard sur la cible, nommée overt saccade, apparaissant dans les instants suivant l’arrêt du mouvement de tête et traduisant l’incapacité du RVO canalaire horizontal à stabiliser le regard dans l’espace du côté où a été réalisé le mouvement de tête [13]. Le test peut être biaisé ; il engendre de faux négatifs si le sujet réalise des catch-up saccades (saccades de rattrapage) précoces (covert saccades), indétectables à l’œil nu par l’observateur car elles surviennent durant le mouvement de la tête [14].
Le VHIT est la version instrumentale du HIT, tel que décrit précédemment, mais avec enregistrement vidéonystagmographique à hautes fréquences d’acquisition (100 à 250 Hz). Il permet de quantifier les déficits canalaires horizontaux et verticaux dans les plans horizontal, RALP et LARP. Le gain des 6 canaux semi-circulaires est ainsi calculé, diversement selon les instruments. Le VHIT analyse aussi l’occurrence des covert saccades ainsi que leurs performances en termes de latence et gain. Cet instrument a permis une avance considérable dans l’aide au diagnostic otoneurologique par ses capacités de localisation topographique des déficits canalaires. Il permet aussi le suivi de ces déficits au cours de l’évolution de la pathologie vestibulaire, que ce soit dans le déficit unilatéral [15], lorsqu’il existe une récupération de la fonction canalaire, le schwannome vestibulaire, la presbyvestibulie [1618], la maladie de Menière [19] ou plus généralement les syndromes pressionnels, le traitement destructeur par injection transtympanique de gentamicine, les atteintes ototoxiques iatrogènes (aminosides, chimiothérapies oncologiques, quinine, etc.), certains déficits idiopathiques périphériques comme centraux, la migraine vestibulaire, etc.
Acuité visuelle dynamique (AVD)
Le test de l’AVD permet d’évaluer la capacité d’un individu à stabiliser son regard lors des mouvements de la tête de telle sorte qu’il soit capable de réaliser une tâche cognitive de lecture ; il mesure la différence entre l’acuité visuelle statique (tête immobile) et l’acuité visuelle dynamique (tête en mouvement passif). La mesure est la même pour l’acuité visuelle comme pour l’AVD. Il s’agit de l’angle minimal permettant de distinguer deux points distincts appelé angle de résolution minimal (ARM) ; les deux peuvent s’exprimer sous deux unités, l’unité décimale où 10/10 correspond à un ARM de 1 minute d’angle, et le Log Mar qui est le logarithme de base 10 de l’ARM. Il est montré une différence significative de l’AVD selon que le mouvement de tête est passif ou actif, les performances étant supérieures lors d’un mouvement actif [20, 21]. Différents instruments ont été développés permettant d’explorer comme de rééduquer l’AVD, que ce soit sur écran informatisé ou vidéoprojection, ou sous masque de réalité virtuelle.

Stratégie substitutive saccadique précoce (un remède contre l’oscillopsie)

Autant la compensation centrale est susceptible de corriger une asymétrie des réponses du système vestibulaire lors des mouvements de tête aux basses et moyennes vitesses, autant on sait depuis fort longtemps qu’elle n’est pas opérationnelle aux hautes vitesses. A. Berthoz avait évoqué de longue date une possible stratégie substitutive saccadique oculaire venant relayer la fonction vestibulaire déficiente. G. Halmagyi et I. Curthoys ont mis en évidence, en 1988, grâce aux search coils, l’existence des covert saccades. Jusqu’en 2013, les covert saccades ont été peu documentées dans la littérature. Avec l’avènement du VHIT muni de caméras haute fréquence d’échantillonnage, il a été possible d’analyser ces saccades précoces dont l’occurrence se fait durant le mouvement rapide de la tête.
L’efficacité d’une covert saccade dans l’oscillopsie dépend de sa latence et de son gain ; la latence étant le temps (ms) nécessaire pour que les yeux (le regard) retrouvent une position stable post-saccadique ; le temps 0 pour déterminer la latence est le pic d’accélération de la tête ; le gain est la distance parcourue par la saccade/distance à parcourir pour retrouver la cible initialement fixée ; le gain est de 1 si le regard a retrouvé la cible. Gain et latence sont bien sûr étroitement liés car plus la latence est courte, plus la distance à parcourir jusqu’à la cible est petite.
Il est intéressant de pouvoir observer comment s’organise cette stratégie par superposition des courbes de vitesses de plusieurs examens successifs. Sur la figure 16.11A, pour une aréflexie de la fonction canalaire horizontale gauche, on peut noter un net regroupement des covert saccades. Leurs latences sont à quelque chose près identiques ; leurs gains sont importants car les overt saccades sont de faible amplitude ; la stratégie saccadique est donc solide. Sur la figure 16.11B, pour une aréflexie de la fonction canalaire horizontale droite, il en est tout autrement : les covert saccades ont des latences qui varient, leurs gains sont faibles puisqu’on observe de nombreuses et amples overt saccades.
image
Figure 16.11 Organisation des covert saccades (VHIT) pour une aréflexie horizontale.
A. Gauche. B. Droite.
On sait aujourd’hui que la stratégie saccadique précoce permet d’améliorer significativement le trouble oscilloptique autant dans le syndrome déficitaire unilatéral que bilatéral [22]. On observe cette stratégie autant sur l’axe horizontal que vertical, autrement dit lors de déficits des fonctions canalaires horizontales comme verticales. Les covert saccades verticales, à condition d’être performantes dans leurs latences mais surtout leurs gains, sont efficaces dans l’amélioration des oscillopsies verticales, en particulier lors de la marche et de la course.
Dans le cadre des protocoles de rééducation visant à stimuler la mise en place des stratégies saccadiques précoces, on préconise toutes sortes d’exercices fondés sur des mouvements rapides de la tête avec fixation de cibles, dans les plans des canaux semi-circulaires déficitaires ; plus ces mouvements seront rapides, plus ils seront efficaces. Les exercices réalisés avec les instruments d’AVD doivent être utilisés plus tardivement car les vitesses de mouvements de tête sont insuffisantes. Ils ont pourtant l’avantage d’ajouter une tâche cognitive à la simple fonction de stabilisation du regard. Toujours dans le cadre strict de la stratégie de stabilisation précoce du regard, il faut donner au patient la consigne précise de maintenir son regard à l’endroit où apparaît l’optotype avant de réaliser le mouvement de tête. Si le regard est placé à distance lorsque le mouvement de tête s’engage, le sujet adopte une autre stratégie, celle de la saccade anticipatrice où les yeux réalisent une saccade qui précède le mouvement de tête ; il n’aura pas à réaliser de covert saccade.
Un grand nombre de protocoles d’exercices visant la stabilisation du regard dans le cadre de déficits uni- ou bilatéraux ont été décrits [2325].
Un protocole de rééducation a été décrit au cours des dernières années visant à améliorer le gain du RVO lors des mouvements de tête à haute vitesse. Ce protocole se fonde sur une technique d’habituation cherchant à stimuler la capacité à mouvoir les yeux en sens inverse de la tête selon une implémentation progressive en amplitude et vitesse ; une cible laser se déplace en sens inverse de la tête. Le glissement rétinien induit agirait par contribution cérébelleuse sur l’amélioration du gain VHIT autant dans le déficit unilatéral [13] que bilatéral [26]. Ce travail d’habituation est cependant fastidieux car il doit être réalisé quotidiennement durant plusieurs mois.
Pour toute rééducation de la stabilisation du regard dans les suites d’une pathologie vestibulaire, et lorsque le patient présente un trouble de l’oculomotricité, en particulier des vergences, il faut savoir conseiller un bilan orthoptique qui sera suivi d’une rééducation selon l’avis de l’orthoptiste et du médecin prescripteur.

Vertige positionnel paroxystique bénin

Introduction

Le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) est la pathologie vertigineuse la plus fréquente avec une prévalence de 10,7 à 140 pour 100 000 personnes. Il existe une plus forte prévalence chez la femme que chez l’homme (2,1 pour 1,5). Le VPPB survient le plus souvent à partir de la cinquantaine. Cette survenue va correspondre au début des phénomènes de vieillissement du système sensoriel vestibulaire et majorer le risque de chute ; dans ce cas, le VPPB n’est plus si bénin. Des recommandations de bonne pratique ont été publiées ; on peut citer celle de l’AAOHNS (American Academy of Otolaryngology – Head and Neck Surgery) [27] publiée en mars 2017 ou celle de la Haute autorité de santé (HAS) publiée en décembre 2017.
Le VPPB est le déplacement dans le système canalaire de particules de carbonates de calcium appelées otoconies. Ces otoconies sont habituellement enchâssées sur la macule otolithique utriculaire. Elles peuvent, selon les auteurs, se déposer sur la cupule qui ferme le canal semi-circulaire (on parlera de cupulolithiase) ou migrer librement dans le canal semi-circulaire (on parlera de canalolithiase).

Étiologie

L’étiopathogénie des VPPB reste encore mystérieuse. L’hypothèse de trouble du métabolisme du calcium et de carence en vitamine D est souvent rapporté dans la littérature le VPPB post-traumatique, ne représentant que 10 à 20 % des cas [28, 29].

Physiopathogénie

Le diamètre d’une otoconie est de 3,5 à 65 μm avec une moyenne de 10 μm. Le liquide endolymphatique est un liquide visqueux de même densité que la cupule, se rapprochant chez l’homme de la glycérine en un peu plus liquide. Il est probable que les otoconies détachées de la macule otolithique s’agglutinent en amas. Ces amalgames d’otoconies, dans certaines positions de tête, se mettent en mouvement. Lorsqu’ils sont appliqués à la cupule, ils en modifient l’inertie (théorie de la cupulolithiase). Lorsqu’ils se déplacent dans la lumière du canal semi-circulaire, ils génèrent des effets de succion et de pression sur cette même cupule par l’intermédiaire de l’endolymphe (théorie de la canalolithiase). Il existe trois formes de VPPB en fonction de l’orientation des canaux semi-circulaires (CSC) : le VPPB du CSC postérieur (90 % des cas), le VPPB du canal latéral ou horizontal (10 % des cas). Le VPPB du canal antérieur est toujours une source d’interrogation pour le clinicien ; suivant les auteurs, il n’existe pas ou représente de 1 à 2 % des VPPB. L’anatomie du CSC supérieur – naturellement positionné dans le sens d’une élimination par gravité des éventuels débris otoconiaux – ne plaide pas pour l’existence de cette forme de VPPB.

Diagnostic et traitements des différentes formes de VPPB

Diagnostic

Le diagnostic se fait à l’interrogatoire : le patient se plaint de vertige vrai lors de changements de position ou de mouvements de tête. Ces vertiges sont majorés lors du coucher ou du lever du lit avec une violente rotation de la scène visuelle. La rotation du décor est un élément très important de la sémiologie du VPPB. L’instabilité, avec une sensation d’ébriété, peut être permanente en position debout et se réduit drastiquement en position assise avec l’immobilisation de la tête. Chez certains patients, l’instabilité peut être majeure et mimer une cause plus centrale.
L’examen se fait sous lunettes de Frenzel et ou vidéonystagmoscopie en observant la présence d’un nystagmus spontané en général absent, mais le VPPB du canal latéral peut parfois générer un pseudo-nystagmus spontané. Le diagnostic final est fourni par les manœuvres provocatrices.
Pour le VPPB du canal postérieur
La manœuvre de Dix et Hallpike est le gold standard de la manœuvre de déclenchement (figure 16.12). Le patient est placé en position assise et allongé rapidement, tête tournée à droite pour le canal postérieur droit (stimulation ampullifuge de la cupule du canal postérieur droit), ou à gauche pour le canal postérieur gauche. Le nystagmus observé est caractéristique du VPPB, il se déclenche après quelques secondes de mise en position. Il est torsionnel horaire pour un canal postérieur gauche avec une composante verticale supérieure, et anti-horaire pour un canal postérieur droit (idem pour la composante verticale supérieure). Le nystagmus accélère puis décélère (mode crescendo-decrescendo), signant la probable mobilisation de l’amalgame dans la lumière du canal semi-circulaire ou l’alourdissement de la cupule si celui-ci est à son contact. Lors du retour à l’orthostatisme, un nystagmus inverse est observé ; ce nystagmus est pathognomonique de la canalolithiase du canal postérieur.
image
Figure 16.12 Manœuvre de Dix et Hallpike.
Figure de gauche : La tête est préalablement tournée à droite dans le plan du canal postérieur droit, on recherche un nystagmus torsionnel anti-horaire à composante vertical supérieur.
Figure de droite : La tête est préalablement tournée à gauche dans le plan du canal postérieur gauche, on recherche un nystagmus torsionnel horaire à composante vertical supérieur. © : Carole Fumat
Pour le canal latéral
Le supine roll test est la manœuvre de diagnostic la plus couramment employée [30] (figure 16.13). Le patient est allongé sur la table d’examen la tête légèrement relevée de 25° à 30°. On lui demande de tourner la tête vers la droite puis vers la gauche afin de déclencher un nystagmus horizontal ; le nystagmus le plus violent signe le côté de l’oreille atteinte. Ce nystagmus peut être dirigé vers le sol – il est appelé géotropique –, ou vers le ciel – il est appelé agéotropique (ou apogéotropique).
image
Figure 16.13 Supine roll test.
1 : La tête est positionnée nez au zénith on recherche un nystagmus horizontal droit ou gauche.
2 : La tête est tournée à droite on recherche un nystagmus horizontal droit dans le cas d’un VPPB horizontal géotropique ou un nystagmus gauche dans le cadre d’un VPPB horizontal agéotropique.
3 : La tête est tournée à gauche on recherche un nystagmus horizontal gauche dans le cas d’un VPPB horizontal géotropique ou un nystagmus droit dans le cadre d’un VPPB horizontal agéotropique. © : Carole Fumat
Lors du test, on peut noter un moment où le nystagmus s’inverse ; à un moment précis l’œil est immobile dans l’orbite, c’est le null point. En fonction du côté où la tête est tournée, ce null point indique toujours le côté de l’oreille atteinte.
L’autre test parfois utilisé est le head pitch test. La position tête penchée en avant provoque l’apparition d’un nystagmus horizontal désignant l’oreille atteinte. Ce nystagmus – comme c’est la règle dans tous les VPPB – s’inverse dans la position tête en arrière.
Le diagnostic du VPPB du canal antérieur se fait lors de la réalisation de la manœuvre de Dix et Hallpike en observant cette fois non pas un nystagmus vertical supérieur, mais un nystagmus vertical inférieur. La composante torsionnelle est parfois difficile à observer.

Diagnostics différentiels

Il existe de nombreuses pathologies, de la plus bénigne à la plus grave, qui peuvent mimer des VPPB. On peut les différencier en deux catégories : les pseudo-VPPB d’origine périphérique, c’est-à-dire du capteur lui-même et de son innervation immédiate, et ceux d’origine centrale. Il est donc très important de pouvoir observer le nystagmus déclenché par le changement de position de la tête grâce à la vidéonystagmoscopie.
Quelques pathologies périphériques qui peuvent mimer un VPPB
Ce sont :
  • la fistule périlymphatique. La fuite de liquide endolymphatique lors de la mise en position basse de la tête par une lésion au niveau d’une fenêtre (généralement post-traumatique) ;
  • la maladie de Menière : l’augmentation de pression dans le labyrinthe membraneux lors de la mise en décubitus peut révéler un nystagmus latent qui peut s’inverser au retour à l’orthostatisme ;
  • le syndrome de Minor ou déhiscence du canal antérieur, qui provoque aussi des modifications de pression dans le CSC ;
  • le conflit artère/nerf lors de la rotation de la tête, qui met en contact le nerf vestibulaire et l’artère cébelleuse antéro-inférieure (AICA). Au fil du temps, la protection myélinique du nerf s’altère et le contact génère des stimulus nerveux le long du nerf provoquant des décharges nystagmiques ;
  • l’intoxication alcoolique responsable de la « cupule lourde » ; la cupule baignant dans un liquide chargé d’alcool modifiant la densité de l’endolymphe devient un véritable capteur de gravité.
Quelques pathologies centrales qui peuvent mimer un VPPB
Ce sont :
  • la migraine vestibulaire : 70 à 100 % des patients présentant une migraine vestibulaire présentent aussi des vertiges positionnels [31] ;
  • l’insuffisance vertébrobasilaire transitoire ;
  • la malformation d’Arnold-Chiari ;
  • la SEP ;
  • les atteintes tumorales [32, 33].

image Focus

Les drapeaux rouges

Un vertige positionnel d’origine centrale peut être le signe précurseur d’une pathologie potentiellement grave. Il convient d’être très attentif aux signaux d’alertes suivants : le patient rapporte des vomissements en jet sans vertiges, des vertiges associés à des céphalées, des signes neurologiques associés – modification de l’écriture par exemple. Lors de l’examen, on peut observer un nystagmus parfois violent sans vertige ressenti, un nystagmus non attendu ne respectant pas les lois d’Ewald, un nystagmus changeant de direction en l’absence de mouvement de tête, un nystagmus vertical pur sans composante torsionnelle.

Traitement du VPPB du canal postérieur

Manœuvre libératrice
Lors de la manœuvre libératrice (figure 16.14), le patient est balancé rapidement mais non brutalement sur le côté atteint la tête tournée vers le plafond, si possible en hyperextension [34]. Avec l’aide du thérapeute, il doit effectuer dans le même temps un mouvement de rotation de tête pour se placer en position indifférente et de bascule sur le côté opposé. La tête sera alors dirigée vers le bas, le visage tourné vers le sol, avec le menton rentré. Il est important d’effectuer un mouvement de plus de 220° avec une vitesse supérieure à 135°/s, comme l’a montré D. Obrist sur son modèle in vitro.
image
Figure 16.14 Manœuvre de Sémont-Toupet. © : Carole Fumat
Manœuvre de repositionnement des otolithes d’Epley
Lors de la manœuvre de repositionnement, le patient doit se coucher sur le dos (figure 16.15), la tête tournée du côté atteint et en nette hyperextension [35]. Il est conseillé de positionner la tête sur un coussin en la laissant déborder hors du coussin, ou en dehors de la table soutenue par le thérapeute. Un mouvement de rotation est ensuite imprimé vers le côté sain en maintenant bien la tête en hyperextension, jusqu’à se retrouver le nez dirigé vers le bas, menton rentré. Dans la pratique, une table en plusieurs parties est fortement conseillée pour éviter l’hyperextension préjudiciable aux artères vertébrales. L’utilisation de la vidéonystagmoscopie permet de gérer la rotation en fonction de l’épuisement du nystagmus et de gagner de 20° en 20°.
image
Figure 16.15 Manœuvre d’Epley. © : Carole Fumat

image Focus

Les drapeaux rouges

Quelle que soit la manœuvre utilisée, le patient ne doit jamais être laissé seul pendant les temps de pause de la manœuvre. La migration des otoconies peut se faire à retardement. L’illusion de mouvement fait que le patient même allongé peut être persuadé que la table se retourne et il est alors capable de se précipiter au sol. Lors du redressement après les manœuvres, le patient doit être fermement maintenu pour éviter qu’il ne chute si une rétropulsion parfois violente survenait.

Traitement du VPPB du canal horizontal

Il existe deux formes de VPPB du canal horizontal : la forme géotropique (VPPBH géo) et la forme agéotropique (VPPBH agéo).
Dans le cas d’un VPPBH géo, l’amalgame d’otoconies serait situé dans la partie postérieure du canal horizontal. Lors du supine roll test, la tête est tournée dans le sens du nystagmus horizontal ; celui-ci est alors observé battant vers le sol. Les manœuvres les plus retrouvées dans la littérature sont la manœuvre de Lempert, ou manœuvre en barbecue, et la manœuvre de Gufoni [36].
Manœuvre de Gufoni pour la forme géotropique
Le patient assis en bord de table se laisse tombe sur le côté sain ; il y reste environ 30 secondes. L’amalgame d’otoconies migre vers la partie la plus postérieure du canal horizontal. Le patient tourne alors le visage vers la table (nose down) (figure 16.16) et maintient la position environ 2 minutes. Lorsque l’on utilise une vidéonystagmoscopie, l’épuisement du nystagmus au fur et à mesure de l’évacuation des otoconies permet de gérer le mouvement de rotation de la tête.
image
Figure 16.16 Manœuvre de Gufoni – nose down (forme géotropique). © : Carole Fumat
Dans la forme agéotropique, l’amalgame d’otoconies est situé en partie antérieure de canal. Il faut donc faire parcourir toute la longueur du CSC horizontal pour obtenir leur évacuation.
Manœuvre de Gufoni pour la forme agéotropique
Le patient assis en bord de table se laisse tomber sur le côté atteint ; il y reste 1 minute (figure 16.17). Ensuite, il tourne la tête vers le plafond rapidement à 45° (nose up) et il reste dans cette position 1 à 2 minutes. La réussite de la migration des otoconies peut être contrôlée lorsque l’on effectue la manœuvre sous vidéonystagmoscopie.
image
Figure 16.17 Manœuvre de Gufoni – nose up (forme agéotropique). © : Carole Fumat

Syndrome vestibulaire périphérique unilatéral

Généralités

On entend par unilatéral l’atteinte d’une seule oreille, par périphérique l’atteinte des structures périphériques en excluant toute atteinte d’une structure centrale (figure 16.18) [37, 38]. Il s’agit donc de troubles visant la cellule ciliée et/ou le premier neurone reliant la cellule ciliée au noyau vestibulaire.
image
Figure 16.18 Répartition des syndromes vestibulaires périphériques.
Nous aborderons ici les syndromes déficitaires, le traitement étant bien différent de celui des syndromes irritatifs évoqués par ailleurs.
Le syndrome vestibulaire périphérique unilatéral, ou UPVD pour unilateral peripheral vestibular dysfunction, a fait l’objet d’une revue systématique Cochrane en 2015 [39]. Il peut prendre une forme aiguë comme chronique selon les pathologies.
On rencontre la forme aiguë dans la névrite vestibulaire, la labyrinthite, la fracture du rocher, certains schwannomes vestibulaires ou méningiomes (ou autres tumeurs) de l’angle pontocérébelleux (APC), l’accident ischémique labyrinthique, les syndromes pressionnels dont la maladie de Ménière unilatérale, les suites d’une chirurgie de l’oreille moyenne, certains traitements destructeurs comme la labyrinthectomie chimique par injection transtympanique de gentamicine, la neurotomie vestibulaire, l’exérèse chirurgicale d’un schwannome vestibulaire, la labyrinthectomie chirurgicale.
Les formes chroniques sont rencontrées dans la maladie de Menière et les syndromes pressionnels unilatéraux, les syndromes de la troisième fenêtre (syndrome de Minor, déhiscence du canal semi-circulaire postérieur), la fistule périlymphatique, certains schwannomes vestibulaires.
Nous évoquerons ici le traitement spécifique du syndrome unilatéral déficitaire aigu, hors maladie de Menière. On le rencontre donc lors de la destruction ou de la déafférentation brusques d’un labyrinthe ou d’une partie de celui-ci.
La névrite du nerf vestibulaire est la plus fréquente des pathologies rencontrées. Elle peut se manifester sous trois formes : la névrite du nerf vestibulaire complet qui est la plus fréquente (55 %), la névrite du nerf vestibulaire supérieur (42 %), la névrite du nerf vestibulaire inférieur (3 %) [40, 41].

Névrite du nerf vestibulaire supérieur

Le tableau clinique se résume à un épisode d’intense vertige giratoire, d’installation rapide, qui perdure plusieurs jours, accompagné d’importants troubles neurovégétatifs (nausées, vomissements) et d’une ataxie majeure durant les premiers jours. L’ensemble des signes s’amende au fur et à mesure que se met en place la compensation centrale. Les signes neurovégétatifs sont les premiers à disparaître ; vertige et ataxie perdureront de plusieurs jours à plusieurs semaines.
Le diagnostic différentiel avec une atteinte centrale, un AVC ischémique ou hémorragique, est réalisé en urgence. Un scanner cérébral est généralement pratiqué, et une IRM cérébrale est généralement demandée.
Le protocole clinique des tests HINTS est particulièrement contributif, dans tout syndrome vertigineux aigu, pour éliminer une cause centrale, avec une spécificité comme une sensibilité particulièrement élevées (figure 16.19).
image
Figure 16.19 Protocole clinique de l’HINTS.
Lorsque le Head Impulse Test (HIT) clinique montre une saccade de rattrapage, lorsqu’on n’observe pas de gaze nystagmus (nystagmus du regard excentré), lorsqu’on ne met pas en évidence une skew deviation (désalignement vertical des deux yeux) à l’aide du cover test, il est possible d’éliminer une origine centrale avec une sensibilité de 96,5 % et une spécificité de 98,5 %, sensibilité supérieure à celle de l’IRM réalisée précocement (48 heures à plusieurs jours) en post-crise [42]. La sensibilité du test est encore améliorée par l’utilisation du VHIT [16] qui élimine le biais du faux négatif au HIT clinique (existence d’une covert saccade dont le gain est proche de 1, rendant impossible l’observation d’une overt saccade), et par l’audiogramme tonal (HINTS+) qui, s’il met en évidence un trouble de l’audition, oriente vers un trouble périphérique [43].
Ce protocole d’examen, réalisé au chevet du patient et ne nécessitant pas d’instrumentation, fait l’objet de nombreuses publications depuis 2009 [4446].
Les autres examens contributifs vont rechercher :
  • un nystagmus spontané battant vers le côté sain, qui est visible avec fixation oculaire dans la phase précoce post-crise, puis sous masque de vidéonystagmoscopie plus tardivement lorsque la compensation du déficit aura permis d’inhiber le nystagmus spontané par la fixation oculaire ;
  • une prépondérance directionnelle nystagmique du côté sain aux tests cinétiques basses et moyennes vitesses [47] ;
  • une déviation posturale vers le côté atteint lors des tests de Romberg, du piétinement de Fukuda Unterberger, de la marche en étoile, montrant un syndrome harmonieux [6] ;
  • des déficits sur les fonctions canalaires phasiques horizontale et verticale antérieure au VHIT (figure 16.20) ;
  • un déficit aux épreuves caloriques calibrées [25] ;
  • des potentiels évoqués otolithiques myogéniques (PEOM) utriculaires (oVEMP pour ocular vestibular evoked myogenic potential) déficitaires, les potentiels sacculaires (cVEMP pour cervical vestibular evoked myogenic potential) restant habituellement normaux [48] ;
  • la nature des troubles du contrôle postural sur plateforme de forces statique ou dynamique ; on évaluera les déviations posturales comme le poids des entrées sensorielles visuelle, vestibulaire, proprioceptive [49, 50].
image
Figure 16.20 Canalogramme VHIT (Synapsys Ulmer®) d’une névrite du nerf vestibulaire supérieur droit.
Le diagnostic différentiel entre une atteinte nerveuse d’origine virale [51] et vasculaire thrombo-embolique de l’artère vestibulaire antérieure n’est pas souvent simple ; seuls les antécédents ou facteurs de risque cardiovasculaires peuvent orienter vers cette étiologie [52, 53].
Le traitement kinésithérapique de la névrite, comme de tout déficit unilatéral aigu, vise à favoriser la mise en place de la compensation centrale, pour les mouvements de tête aux basses puis moyennes vitesses, et de la stratégie saccadique précoce aux hautes vitesses de mouvements de tête où toute compensation est impossible. Le protocole de traitement doit être mis en place aussi précocement que possible pour assurer, à terme, une compensation optimale [54].
M. Lacour et L. Bernard-Demanze ont publié en 2014 [55] un recueil de dix recommandations essentielles, à respecter selon eux, dans le cadre du traitement rééducatif du déficit unilatéral et des modalités favorisant la compensation. En voici un court résumé :
  1. 1. réaliser une prise en charge rééducative comportementale en privilégiant un travail actif ;
  2. 2. débuter la rééducation le plus précocement possible ; c’est au cours du premier mois post-lésionnel que se configure au mieux la plasticité centrale ;
  3. 3. connaître le véritable rôle de la rééducation vestibulaire ; savoir donc adapter la rééducation en fonction des capacités compensatrices du patient et du délai post-lésionnel, de la nature de la lésion incriminée ;
  4. 4. favoriser les processus d’adaptation plutôt que d’habituation ;
  5. 5. éviter tout protocole stéréotypé ; repérer en particulier les mauvaises stratégies adaptatives mises en place par le patient comme l’occlusion palpébrale plutôt que la stratégie saccadique précoce, la sous-utilisation de l’entrée proprioceptive cervicale pourtant si importante dans les processus de compensation ;
  6. 6. prendre en compte le profil sensoriel, moteur et cognitif du patient ; ne pas hésiter à utiliser pour cela des échelles d’évaluation des capacités proprioceptives, haptiques, émotionnelles, cognitives perceptives, etc. ;
  7. 7. savoir évaluer la progression de la thérapie et donc pouvoir remettre en question sa validité tout en recherchant les causes d’un défaut de progression ;
  8. 8. savoir prendre en compte anxiété et stress qui sont souvent la cause d’un défaut de compensation ;
  9. 9. favoriser une rééducation dans un contexte écologique ; pour cela, la réalité virtuelle peut être contributive, de même que le travail en double tâche ;
  10. 10. savoir motiver son patient ; donc favoriser les exercices ludiques comme écologiques.
La rééducation a pour objectif de favoriser la compensation centrale du déficit unilatéral, sur les voies vestibulo-oculaire et vestibulospinale, lors des mouvements aux basses et moyennes vitesses de la tête et du corps. Aux vitesses rapides de mouvements de tête, l’objectif est de favoriser la mise en place des stratégies de stabilisation du regard dans l’espace, la stratégie saccadique précoce des covert saccades [20, 22, 56] comme celle des saccades anticipatrices [5759]. Le travail rééducatif doit être instauré au plus tôt [60].
Les exercices cherchant à stimuler les stratégies substitutives saccadiques lors des mouvements rapides de la tête font l’objet de différents protocoles, comme ceux déjà anciens du VOR X1 et du VOR X2 [61, 62].
Les mécanismes d’action de ces exercices commencent à être aujourd’hui assez bien compris, qu’il s’agisse de leurs effets sur le gain du RVO comme sur les stratégies substitutives saccadiques [63].
Certains auteurs ont montré qu’il est possible d’améliorer le gain du RVO dans le cadre du déficit unilatéral (comme bilatéral), par adaptation, avec un entraînement quotidien durant plusieurs mois. Ce travail utilise l’effet du glissement rétinien d’un point laser asservi aux mouvements de tête [26].
Un autre protocole visant à améliorer le gain du RVO comme la stratégie saccadique précoce a été décrit, fondé sur des mouvements rapides de la tête (thrust) répétés dans le plan horizontal du côté lésé [64].
Le fauteuil rotatoire, en tant qu’instrument de rééducation visant à diminuer l’asymétrie des réponses vestibulo-oculaires, a été et reste encore pour certains privilégié. Ce principe de rééducation n’est pratiqué qu’en France et ponctuellement dans quelques pays limitrophes. Les stimulations sont asymétriques – rotations du côté de l’oreille pathologique avec arrêts brusques –, de façon à stimuler le système vestibulaire dans le sens de la prépondérance directionnelle et, par là, à favoriser la compensation centrale. Il existe peu de publications venant soutenir cette thèse ; aucune ne fait état de l’utilisation de ce protocole dans le domaine du déficit unilatéral aigu [65, 66]. Compte tenu de la non-mise à contribution de la proprioception cervicale dans ce protocole thérapeutique qui reste passif, et sachant la part importante que prend celle-ci dans les phénomènes de compensation [67], il est conseillé de faire un usage limité de cet outil, en quantité comme en durée, dans le cadre du déficit unilatéral aigu.
Les protocoles de rééducation actifs sont donc à privilégier. Ils cherchent à reproduire les conditions du vécu quotidien du patient. Les exercices doivent être adaptés au profil psychologique et fonctionnel du patient, de même qu’à l’origine précise de son trouble vestibulaire [68], par exemple s’il s’agit d’une atteinte plutôt tonique ou plutôt phasique [69].
Plusieurs outils peuvent apporter leurs contributions : l’acuité visuelle dynamique (AVD Framiral®) dans son paradigme actif ; la réalité virtuelle qui sollicite les mouvements actifs de la tête et du corps dans des environnements ludiques (virtualis, vestibulus) se rapprochant de ceux du quotidien ; le casque laser permettant de réaliser des exercices de stabilisation œil/tête et tête/corps – les supports instables sollicitent l’ensemble de la proprioception sur le modèle bottom-up (des pieds vers la tête).
Il est nécessaire de mettre en place des protocoles d’exercices à réaliser pluriquotidiennement au domicile du patient voire à l’extérieur de chez lui, dont la bonne réalisation sera validée et optimisée par le praticien au cours des séances de rééducation [7072]. Une ou plusieurs activités sportives adaptées et la marche seront préconisées. La fréquence comme le nombre de séances effectuées au cabinet du praticien sont bien sûr fonction de l’état d’évolution de chaque patient [73].

Névrite du nerf vestibulaire dans son ensemble

C’est la plus fréquente des différentes formes que peut prendre la névrite. Le tableau clinique est identique à celui de la névrite du nerf vestibulaire supérieur. Elle se différencie de la névrite du nerf vestibulaire supérieur par l’adjonction d’une atteinte du nerf vestibulaire inférieur montrant un déficit canalaire postérieur et maculaire sacculaire. Le VHIT (figure 16.21) et les PEOM cervicaux permettent d’objectiver respectivement le déficit tricanalaire et le déficit maculaire utriculaire (oVEMP) comme sacculaire (cVEMP).
image
Figure 16.21 Canalogramme VHIT (Synapsys Ulmer®) d’une névrite du nerf vestibulaire droit dans son ensemble.
Le traitement rééducatif est le même que celui précédemment décrit. On prendra en compte le déficit canalaire postérieur lors des exercices de stabilisation du regard qui s’effectuent alors aussi dans le plan du canal postérieur déficitaire (plans RALP ou LARP selon le côté atteint).

Névrite du nerf vestibulaire inférieur

On la rencontre rarement. Le tableau clinique est différent ; il s’agit de l’installation rapide d’une instabilité majeure rarement accompagnée de sensations giratoires. Ici, les organes partiellement ou totalement déafférentés sont le CSC postérieur et le saccule. On recherche un nystagmus spontané vertical inférieur et torsionnel horaire pour une névrite droite, vertical inférieur et torsionnel anti-horaire pour une névrite gauche. Les examens contributifs sont le VHIT pour la fonction canalaire, qui saura estimer l’importance du déficit canalaire postérieur (figure 16.22), les PEOM cervicaux, qui montreront une diminution d’amplitude ou l’absence des ondes P13 et N23 d’origine sacculaire (figure 16.23).
image
Figure 16.22 Canalogramme VHIT (Synapsys Ulmer®) d’une névrite du nerf vestibulaire inférieur gauche.
image
Figure 16.23 PEOM cervicaux d’une névrite du nerf vestibulaire inférieur droit.
La rééducation vise ici à restaurer la stabilité posturale statique et dynamique ainsi que la stabilité du regard dans l’espace lors des mouvements de tête réalisés dans le plan du CSC postérieur incriminé.

Névrite du nerf ampullaire

On sait aujourd’hui que, dans de rares cas, l’atteinte nerveuse peut être localisée à un ou plusieurs nerfs ampullaires de façon isolée [74]. Le protocole de rééducation doit alors s’adapter à la localisation du ou des déficits canalaires.

Labyrinthite aiguë

C’est l’infection bactérienne du labyrinthe ; elle est la plupart du temps la complication soit d’une otite aiguë, soit d’une otite chronique, le plus souvent cholestéatomateuse. Elle est heureusement rare [75]. Elle peut aussi apparaître dans les suites d’une méningite bactérienne.
Cliniquement, elle se traduit par l’expression d’un grand vertige rotatoire avec nausées et vomissements. Elle est accompagnée d’une surdité.
Il s’agit d’une urgence médicale pour le labyrinthe comme concernant les possibles complications méningées ; une hospitalisation en milieu ORL s’impose. Le traitement médical associe antibiotiques, corticoïdes, antivertigineux. L’audition peut parfois récupérer ; l’aréflexie vestibulaire est dans la plupart des cas définitive.
La rééducation vestibulaire est débutée rapidement, comme dans la névrite, avec un protocole similaire. Dans la névrite, il s’agit d’une déafférentation de l’organe ; dans la labyrinthite, d’une destruction de l’organe. Cliniquement, le résultat est sensiblement le même.
La labyrinthite virale donne un tableau pouvant évoquer une crise de Menière. La fonction vestibulaire récupère au moins partiellement dans la majorité des cas ; elle peut être récidivante. Dans de rares cas, elle associe une paralysie faciale au syndrome vestibulocochléaire ; c’est le syndrome de Sicard dans lequel le virus VZV (virus varicelle-zona) est mis en cause [76]. Il s’agit généralement d’une complication du syndrome de Ramsay-Hunt [77] ; ce zona de l’oreille interne voit rarement récupérer les fonctions vestibulaires comme cochléaires.

Forme aiguë du schwannome vestibulaire

La majorité des schwannomes vestibulaires s’expriment à bas bruit pour ce qui est de leurs manifestations vestibulaires, la déafférentation périphérique s’installant progressivement, et le déficit étant assez bien compensé au fur et à mesure de son installation. Dans certains cas pourtant, on peut rencontrer un épisode aigu de vertige qui, s’il n’est pas accompagné de troubles auditifs, peut mimer une névrite vestibulaire [78] ; seule l’IRM peut alors les différencier. Cliniquement, les manifestations sont identiques ; le traitement rééducatif est donc similaire à celui de la névrite du nerf vestibulaire dans son ensemble car, généralement, l’atteinte déficitaire concerne l’ensemble des organes périphériques [79].
Il est conseillé d’entreprendre une rééducation vestibulaire avant tout geste menant à une destruction (injection intratympanique d’aminosides dans la maladie de Menière invalidante, labyrinthectomie chirurgicale) ou une déafférentation (chirurgie de schwannome, neurotomie vestibulaire) labyrinthique. Ce travail de rééducation doit permettre de préparer le patient à une perte unilatérale subite de sa fonction vestibulaire, avec ses conséquences en termes de vertige et d’instabilité posturale. L’importance des signes cliniques dépend bien sûr de la fonction vestibulaire résiduelle avant le geste interventionnel, fonction que le rééducateur doit savoir apprécier [80].

Accident thrombo-embolique ou hémorragique labyrinthique

L’accident hémorragique labyrinthique est rare. Il peut être diagnostiqué facilement par l’IRM. Il associe dans la majorité des cas un syndrome cochléaire au syndrome vestibulaire.
Il en est tout autrement de l’accident thrombo-embolique. Il est souvent difficile de différencier une névrite vestibulaire d’un trouble vasculaire périphérique embolique ; c’est la raison pour laquelle on nomme aujourd’hui « syndrome vestibulaire périphérique unilatéral aigu » tout épisode vertigineux d’apparition brusque en dehors de tout signe neurologique central. C’est encore une fois le HINTS qui permet de différencier syndrome périphérique et central en urgence. Or, certains syndromes vestibulaires centraux peuvent mimer un syndrome périphérique [8184]. Ce sont la plupart du temps les antécédents ou facteurs de risque vasculaires qui permettent d’orienter vers une étiologie vasculaire [85]. Mais lorsqu’est associée une perte auditive, l’étiologie vasculaire sera confirmée. La localisation de l’accident embolique peut être précisée selon la localisation fréquentielle du trouble cochléaire et topographique du trouble vestibulaire. Une atteinte des fréquences aiguës à l’audiogramme, des fonctions canalaire postérieure et sacculaire ipsilatérales, respectivement au VHIT et aux PEOM, oriente vers l’oblitération de l’artère vestibulocochléaire, branche terminale de l’artère cochléaire. On évoquait autrefois l’apparition d’un VPPB dans les jours ou semaines suivant l’épisode vertigineux aigu comme signe d’une atteinte vasculaire, le syndrome de Lindsay-Hemenway (oblitération de l’artère vestibulaire antérieure) ; on sait aujourd’hui qu’il n’en est rien, la névrite vestibulaire étant pourvoyeuse elle aussi de VPPB.
Le tableau clinique fonctionnel vestibulaire de l’accident périphérique vasculaire est identique à celui de la névrite vestibulaire ; la rééducation est donc similaire, tenant compte de la localisation des déficits.

Aréflexie vestibulaire bilatérale

Étiologie (tableau 16.1)

On retrouve des aréflexies vestibulaires bilatérales (AVB) dans plusieurs pathologies comme les atteintes ototoxiques (antibiothérapie, chimiothérapie), dans les maladies auto-immunes, les méningites, les formes bilatérales ou les suites de traitement des formes bilatérales de schwannomes vestibulaires (neurofibromatose de type 2 [NF2]), les formes bilatérales de la maladie de Ménière ou de labyrinthite, les fractures du rocher translabyrinthiques bilatérales. Mais, dans la majorité des aréflexies bilatérales (51 %), il n’est pas retrouvé d’étiologie [86].

Tableau 16.1

Familles et éléments étiologiques de l’aréflexie vestibulaire.
Type étiologique
(Prévalence si connue)
Éléments étiologiques

Idiopathique

(51 %)

Non adapté

Toxique/métabolique

(13-21 %)

Antibiotique

Furosémide

Cisplatine

Aspirine

Alcool

Carence en vitamine B12

Déficience en folate

Hypothyroïdisme

Empoisonnement au styrène

Association AINS/pénicilline

Infectieuse

(3,8-12 %)

Méningite

Encéphalite

Cérébellite

Maladie de Behçet

Borréliose

Infection herpétique

Névrite bilatérale

Auto-immune

(10 %)

Syndrome de Cogan

Syndrome de Susac

Sarcoïdose

Granulomatose de Wegener

Syndrome de Gougerot-Sjögren

Colite

Maladie cœliaque

Polyarthrite noueuse

Syndrome des antiphospholipides

Autres maladies systémiques

Neurodégénérative

CANVAS (cerebellar ataxia, neuropathy, vestibular areflexia syndrome). Il s’agit d’une ataxie cérébelleuse accompagnée d’une neuropathie sensitive et d’une aréflexie vestibulaire bilatérale

Ataxie épisodique

Sidérose superficielle

Atrophie multisystématisée

Polyneuropathies

SCA3 (SCA : ataxie spinocérébelleuse)

SCA6 (SCA : ataxie spinocérébelleuse)

Neuropathies sensorielles dysautonomiques héréditaires type IV

Autres ataxies

Génétique

DFNA-9

DFNA-11

DFNA-15

DFNB-4

Mutation des chromosomes 5q, 6q, 11q, 22q

Vasculaire

Lésion supra- et/ou infratentorielle

Dolichoectasies artérielles intracrâniennes

Néoplasique

Schwannomes bilatéraux

Neurofibromatose de type 2

Métastases

Tumeurs malignes

Traumatique Traumatisme crânien, iatrogène (double implantation cochléaire)
Autre pathologie de l’oreille interne

Maladie de Ménière bilatérale

Labyrinthite bilatérale

Otospongiose bilatérale

Choléstéatomes bilatéraux

Congénital/syndromique

Syndrome CHARGE (malformations cardiaques, atrésie choanale, retard de croissance et/ou retard mental, hypoplasie génitale, anomalies des oreilles et/ou surdité)

Syndrome d’Usher

Syndrome de Turner

Syndrome d’Alport

Dilatation de l’aqueduc du vestibule

Autres Presbyvestibulie, atélectasie du vestibule

Physiopathologie

L’AVB se caractérise par une hypofonction majeure ou une absence de fonction des deux organes vestibulaires. Il en résulte des incapacités ou des difficultés dans :
  • la stabilisation de la scène visuelle lors des mouvements de tête ;
  • le maintien de l’équilibre dans la marche sans l’aide la vision ;
  • les tâches de navigation.
Il n’y a jamais de vertige dans les AVB – le vertige étant la conséquence d’une asymétrie vestibulaire d’apparition plus ou moins brusque –, mais il y a phénomène d’oscillopsie : c’est une incapacité à stabiliser le regard dans l’espace lors des mouvements de tête plus ou moins rapides selon les sujets. La marche provoque un tremblement vertical de l’image à chaque pas, courir devient impossible. Les déplacements nocturnes, ou dans des lieux mal éclairés (cinéma, salle de spectacle) sont très problématiques ; les chutes sont fréquentes.
L’AVB chez le jeune enfant remet en cause son développement psychomoteur et sa scolarité. La marche et l’exploration de l’environnement sont retardées. L’équilibre moyen des enfants atteints d’AVB est équivalent à celui d’un enfant de 4,4 ans, bien qu’ils soient beaucoup plus âgés (âge moyen = 13,8 ans) ; c’est la conclusion de l’étude de Wolter et al. [87]. Chaque mouvement de tête entre le cahier et le tableau noir est une épreuve ; la fatigue engendrée est préjudiciable à l’épanouissement scolaire. L’AVB est une source de handicap majeure quant à la qualité de vie.

Diagnostic

Le diagnostic d’AVB est posé après réalisation d’une batterie de tests explorant toute la gamme des vitesses de fonctionnement physiologiques du RVO. Les tests caloriques montrent une absence de réponse aux irrigations chaudes et froides des deux oreilles. Les tests cinétiques sur fauteuil rotatoire sous vidéonystagmoscopie montrent une absence de réponses nystagmiques ; même si l’on augmente la vitesse, l’œil reste immobile dans l’orbite et le sujet est incapable d’identifier le sens dans lequel il tourne. Le test du réflexe cervico-oculaire (test de Conraux) est positif. Les potentiels évoqués otolithiques sont abolis, mais il arrive que chez le sujet âgé cette abolition soit physiologique. On n’observe pas de nystagmus induits par la vibration mastoïdienne. Les tests les plus contributifs sont le VHIT (figure 16.24) et le AVD.
image
Figure 16.24 VHIT (ICS Impulse Natus®) : aréflexie bilatérale de la fonction canalaire.
Les troubles de l’équilibre sont quantifiables par la réalisation d’un CTSIB (clinical test sensory interaction of balance) ou sur plateforme de force. Sur le système Equitest® (Natus), le score vestibulaire est toujours nul dans les conditions 5 et 6. La dépendance visuelle est souvent présente au début des troubles, mais peut diminuer avec la rééducation.

image Focus

Les drapeaux rouges

Il faut être extrêmement attentif lors de la réalisation des tests d’équilibre. La situation yeux fermés sur support instable fait perdre tous les repères au patient aréflexique bilatéral et entraîne une chute systématique. En l’absence de perception de la verticale, le patient ne sait pas qu’il chute ou ne sait pas dans quel sens. Il tombe comme une planche sans réaction parachute.
La récupération n’est jamais complète, et prend beaucoup plus de temps que lors d’un déficit unilatéral. Il faut estimer une évolution possible jusqu’à 2 ans avant de conclure à une stabilisation définitive de l’état fonctionnel du patient [88].

Bilans

L’interrogatoire doit s’attacher à cerner les principales doléances du patient : instabilité du regard, déséquilibre ? Certains patients supportent très bien les oscillopsies, d’autres acceptent facilement l’aide d’une canne pour marcher. La rééducation doit trouver un compromis entre les réponses aux différents tests et la plainte du patient, en sachant que le résultat est souvent décevant. Il ne faut pas oublier que d’autres doléances peuvent se surajouter telles que les troubles de l’orientation spatiale, les troubles du sommeil, des phénomènes de déréalisation.
Les bilans kinésithérapiques reprennent les éléments de diagnostic. Le VHIT va permettre de vérifier la qualité des covert saccades avec des saccades précoces, de latences inférieures à 150 ms et de bonne amplitude. L’AVD peut être réalisée de façon non instrumentale avec un tableau de Snollen ; c’est le dynamic illegible E-test de Longridge et Mallison. Le praticien mobilise alors la tête du patient à la fréquence de 2 Hz et lui demande le sens de l’ouverture des E (vers le haut, le bas, etc.). On note la ligne lue sans erreur [88].
Les progrès de la miniaturisation ont permis maintenant l’apparition de nombreux outils de tests et de rééducation de l’AVD.

Rééducation

La rééducation des AVB comporte deux aspects – comme dans les aréflexies unilatérales – : la stabilisation de l’image et celle du corps. Le principe de la rééducation des AVB est de développer une stratégie saccadique substitutive afin d’optimiser la capacité à stabiliser la scène visuelle, de réduire les oscillopsies et d’augmenter le poids de la vision et de la proprioception pour l’équilibre.
La rééducation de la stabilité du regard (gaze stabilisation exercises [GHE]) doit débuter rapidement [89]. Les exercices proposés au début sont le VOR ×1 (fois 1) et le VOR ×2 (fois 2) [89]. Les exercices X1 et X2 doivent être personnalisés pour chaque patient quant à leur intensité en termes de rythme, de direction, d’amplitude (par exemple en utilisant un métronome). Le problème posé par l’AVB est que les doléances d’instabilité de la scène visuelle sont souvent rapportées dans les mouvements passifs de la tête (moyens de transport). Dans les études réalisées à partir du VHIT, on trouve une faible amélioration du gain après rééducation (la tête étant mobilisée passivement par l’opérateur). Lorsque l’évaluation est faite à partir de l’AVD, on note bien une amélioration des scores, le mouvement étant actif et prédictible, mais l’amélioration des doléances n’en est pas pour autant toujours corrélée. Même si certains auteurs ne trouvent pas de différences entre les rééducations passives et actives [90], il semble licite de chercher à optimiser les séances de rééducation par des exercices passifs et actifs et, si possible, en situation debout (plus écologique). Les études manquent encore pour proposer avec certitude matériels et techniques. Cependant, on peut coupler des exercices sur fauteuil rotatoire mobilisé passivement et d’AVD comme avec le système AVD Framiral®, ou debout en utilisant des mobilisations du support (figure 16.25). L’AVD proposée par la société Framiral permet de régler la difficulté des exercices en faisant varier la taille des polices de caractères et le nombre de lettres des mots (ou de chiffres pour des nombres) à déchiffrer ; pour les enfants, des optotypes animaliers sont aussi disponibles.
image
Figure 16.25 Protocole d’entraînement de l’acuité visuelle dynamique (AVD).
La rééducation de l’équilibre a pour but de faire augmenter le « poids » des entrées visuelle et somesthésique. Le kinésithérapeute peut utiliser les stimulations optocinétiques pour privilégier l’information somesthésique ou des plateformes :
  • soit en mobilisant le décor tout en laissant le support stable ;
  • soit en mobilisant le support tout en laissant le décor stable.
Dans un autre exemple d’exercice, on peut mobiliser le plateau de la plateforme et demander au patient des mouvements de tête pour provoquer une difficulté à accrocher les verticales et les horizontales du décor, en se rapprochant d’une situation proche de la vie de tous les jours. Les systèmes de réalité virtuelle peuvent être utilisés si l’information somesthésique est suffisamment performante pour compenser l’effet immersif.
Il semble possible aujourd’hui de restaurer partiellement mais significativement le gain du RVO, tel qu’observé au VHIT, chez le sujet aréflexique vestibulaire bilatéral. Une équipe (M.C. Schubert et A.A. Migliacco de la Johns Hopkins University School of Medicine) a élaboré un protocole d’entraînement permettant cette restauration par phénomène d’adaptation à partir du glissement rétinien (voie cérébelleuse) d’un point laser qu’il est possible de diriger en sens inverse du mouvement de tête, avec incrémentation progressive du déplacement angulaire comme de la vitesse angulaire de cette cible laser.
L’avenir appartient certainement au développement des implants vestibulaires. Cette chirurgie est dérivée de celle des implants cochléaires. Des micro-électrodes sont positionnées au niveau des nerfs ampullaires et une minuscule centrale inertielle fixée à la corticale externe du crâne génère un signal modulé des mouvements de la tête susceptible d’être utilisé par le système vestibulaire afin de restaurer une fonction RVO comme vestibulospinale.

Syndromes vestibulaires centraux

Introduction

Le syndrome vestibulaire central est causé par des pathologies aiguës ou évolutives au niveau des centres ou des faisceaux impliqués dans la fonction d’équilibration ou de stabilisation de la scène visuelle, le plus souvent à partir d’une lésion du tronc cérébral ou du cervelet.
Le kinésithérapeute vestibulaire est parfois confronté à la prise en charge rééducative de pathologies du système nerveux central car l’expression des lésions implique le système vestibulaire. Dans les nombreuses pathologies existantes, certaines miment tout à fait des lésions périphériques et il est important d’être très vigilant dans l’évaluation du patient et de ne pas hésiter en cas de doute à demander une réévaluation du diagnostic.

Étiologie

Dans les pathologies chroniques

Séquelles de traumatismes crâniens
Le traumatisme labyrinthique peut entraîner un syndrome séquellaire post-commotionnel avec des troubles de l’équilibre et de l’oculomotricité.
Tumeurs
Celles-ci se développent dans le cervelet et le tronc cérébral : gliomes du tronc cérébral ou du cervelet, médulloblastomes chez l’enfant ou l’adolescent. Les signes cliniques sont l’ataxie, les céphalées, les vomissements. Les nystagmus observés sont multidirectionnels et souvent positionnels. Il faut se méfier de ne pas prendre ces nystagmus révélés par la position pour des VPPB. On retrouve des atteintes de la poursuite et des saccades ainsi que des paralysies oculomotrices.
Affections malformatives
La plus fréquente est la malformation d’Arnold-Chiari. La partie basse des amygdales cérébelleuses est engagée dans la portion supérieure du canal rachidien.
L’amygdale cérébelleuse ne doit pas franchir une ligne joignant l’extrémité de l’écaille de l’occiput et le palais osseux. Les patients présentent des ataxies cérébelleuses avec un nystagmus vertical inférieur très évocateur (down beat nystagmus). Dans les malformations avec présence d’hydrocéphalie, d’autres signes neurologiques peuvent être présents comme des nystagmus multiples ou à rebond, des dysarthries et des dysphagies.
Sclérose en plaques
La sclérose multifocale peut toucher l’ensemble du système vestibulaire dans 20 % des cas [91]. On retrouve des crises vertigineuses ainsi qu’une instabilité constante, que l’atteinte soit périphérique ou cérébelleuse. On retrouve aussi des nystagmus spontanés centraux et positionnels, des formes multiples ainsi que des troubles de l’oculomotricité avec des ophtalmoplégies internucléaires et des troubles de la poursuite et des saccades.

Dans les pathologies aiguës (tableau 16.2)

Pour les vertiges d’origine vasculaire, le plus fréquent est le syndrome de Wallenberg. Il s’agit d’un accident vasculaire de la fossette latérale du bulbe. Ce syndrome est gravissime car cette urgence vasculaire débute comme une atteinte vestibulaire aiguë par un grand vertige rotatoire avec vomissement et une ataxie majeure, mais il peut aussi se compliquer de signes respiratoires et cardiaques nécessitant une prise en charge hospitalière précoce, même si les délais d’une éventuelle thrombolyse sont un peu plus longs que dans un AVC. Il est donc très important de rechercher les autres signes cliniques qui le différencient d’une atteinte périphérique beaucoup plus bénigne.

Tableau 16.2

Signes neurologiques des syndromes vestibulaires centraux et leurs localisations.
Latéralité Localisation Signes neurologiques
Controlatéral Faisceau spinothalamique Hypoesthésie thermo-algique
Ipsilatéral

Hypoesthésie de l’hémiface

Ataxie des membres

Hypoesthésie tactile et proprioceptive

Vertige avec nystagmus, nausée et vomissement

Syndrome de Claude Bernard-Horner

Dysphagie, dysarthrie, dysphonie, dyspnée si bilatéral, hoquet

Tachycardie, dilatation gastrique

Pseudo-asthme, dyspnée

Troubles du rythme respiratoire et cardiaque

Céphalées cervicales supérieures

Noyau et tractus du trijumeau Hypoesthésie de l’hémiface
Pédoncules cérébelleux inférieurs Ataxie des membres
Colonne dorsale sous décussation Hypoesthésie tactile et proprioceptive
Noyau du VIII Vertige avec nystagmus, nausée et vomissement
Fibres sympathiques de la formation réticulée Syndrome de Claude Bernard-Horner
Noyau ambigu du IX et du X Dysphagie, dysarthrie, dysphonie, dyspnée si bilatéral, hoquet
Noyau ambigu et zone adjacente Tachycardie, dilatation gastrique
Noyau dorsal du vague Pseudo-asthme, dyspnée
Faisceau solitaire Troubles du rythme respiratoire et cardiaque
Irritation artérielle Céphalées cervicales supérieures
La partie de la moelle allongée vascularisée par l’artère de la fossette latérale du bulbe lésée comprend : le noyau vestibulaire, les fibres descendantes hypothalamiques (contrôle du SNA sympathique), le noyau trigéminal spinal et son tractus, le noyau ambigu (noyau du moteur des nerfs IX, X et XII), le pédoncule cérébelleux inférieur et les fibres du système antérolatéral.
Le diagnostic radiologique (figure 16.26) montre, notamment en séquence de diffusion à l’IRM, l’infarctus de la fossette latéral du bulbe.
image
Figure 16.26 Infarctus de la fossette latéral du bulbe en IRM T1.
Même lorsque le tableau clinique semble typique d’une lésion périphérique, il faut néanmoins appliquer l’HINTS.
Dans ce cas de figure, si l’atteinte du noyau vestibulaire est importante, on peut trouver un déficit à l’HIT clinique, et le gaze nystagmus peut être masqué par le nystagmus de destruction du noyau du VIII [92]. L’ocular tilt reaction avec inclinaison de la tête, déviation de la verticale subjective et désalignement des yeux (skew deviation) est possible si l’ischémie est étendue à la partie supérieure du noyau, mais peut aussi être absente. Il est donc important de ne pas passer à côté d’un signe du syndrome de Claude Bernard-Horner homolatéral avec un ptosis (chute de la paupière supérieure), un myosis de l’œil et une énophtalmie (l’œil est enfoncé dans l’orbite). Ce dernier syndrome, associé aux troubles de l’élocution avec dysphagie, une ataxie majeure et une dissociation thermo-algique, permet de poser le diagnostic du syndrome de Wallenberg.

Rééducation

La rééducation des syndromes centraux est fonction de la localisation des lésions. Dans le cadre des atteintes cérébelleuses (les plus fréquentes en recrutement ORL), la prise en charge la plus performante est pluridisciplinaire, avec ergothérapie, orthophonie, orthoptie et kinésithérapie motrice. La rééducation doit chercher à restaurer la stabilité de la scène visuelle liée à des atteintes du lobe flocculonodulaire et concerner les troubles de l’oculomotricité (poursuite et saccades) en collaboration avec les orthoptistes. Le principal problème auquel est confronté le kinésithérapeute dans les syndromes centraux est le déficit d’inhibition du nystagmus lors des mouvements de tête (le X1 et le X2 doit se faire à vitesse très lente). On peut utiliser le VORx1 et le VORx2 sur fauteuil rotatoire avec une baguette périmétrique ; c’est la technique du « fauteuil baguette ». La vitesse de rotation du fauteuil doit se situer juste en dessous d’une vitesse qui ferait apparaître une saccade oculaire afin d’obtenir une stimulation optimale. La technique du fauteuil baguette permettrait aussi une implication du cortex cérébral par l’aire oculomotrice pariétale, qui se projette sur le colliculus supérieur, lui-même connecté aux aires réticulaires (formation réticulée pontine paramédiane pour les saccades horizontales et le noyau rostral inférieur du faisceau longitudinal médian pour les saccades verticales). Ce contrôle cérébral viendrait en « soutien » de l’inhibition cérébelleuse [93].
Par la suite, les mêmes exercices doivent être reproduits en position debout. Le principe d’exercices en tâche orientée doit être favorisé et doit se faire en collaboration avec les ergothérapeutes. Lorsque les patients sortent des structures de soins, il convient de voir avec eux quelle est l’activité qui génère dans la vie de tous les jours le plus de doléance. Dans la traversée d’une rue par exemple, même si la marche se fait avec l’aide d’un déambulateur, le mouvement de tête droite/gauche va être ralenti, et inadapté à une traversée en toute sécurité. Des exercices de lecture alternée peuvent prendre tout leur intérêt.
Pour augmenter la difficulté des exercices, on peut rajouter des exercices comme donnés dans le paragraphe « Ataxie vestibulaire bilatérale ». La seule différence est que, dans cette rééducation, il ne faut pas être « multisensoriel », mais privilégier la répétition du même exercice jusqu’à réussite pour envisager une autre forme de stimulation.

image Focus

Les drapeaux rouges

Les drapeaux rouges sont l’apparition au cours de la rééducation de nouveaux signes tels que nausée, vomissement, céphalée, gaze nystagmus, nystagmus spontané, skew deviation.

Syndrome persistant postural perceptif (persistant postural-perceptual diziness [PPPD])

Définition

Le PPPD est un syndrome nouvellement défini par Popkirov et al. [94]. C’est une pathologie fonctionnelle chronique qui se manifeste par des sensations permanentes d’ébriété, d’instabilité ou de perception de tangage ou de flottement. Ces sensations erronées sont majorées par la position debout, mais peuvent être ressenties aussi par certains patients en position assise.
Le PPPD regroupe en une seule entité les affections anciennement dénommées vertige postural phobique (phobic postural vertigo), inconfort au mouvement (motion discomfort), vertige visuel (visual vertigo) et vertige subjectif chronique (chronic subjectif vertigo), vertige somatoforme.
Les patients se plaignent majoritairement d’une aggravation de leurs troubles dans certaines situations. Il s’agit des situations où la vision n’apporte pas une valeur suffisamment fiable pour satisfaire la perception de stabilité.
Ces situations peuvent être couramment les grandes surfaces (market syndrome), la foule, les lignes fuyantes (escalier en colimaçon, escalator), les mouvements du décor (train rentrant en gare, mouvement de la mer, etc.). Il peut aussi s’agir du déplacement actif ou passif du corps et/ou de la tête dans un environnement visuel mouvant, car le PPPD ne doit pas se résumer à la seule dépendance visuelle.

Critères de diagnostic

Les critères sont les suivants [95] :
  • un ou plusieurs symptômes d’ébriété, ou d’instabilité ou de vertige non rotatoire présents la plupart des jours pendant au moins 3 mois. Les sensations durent longtemps, et peuvent varier en intensité. Il peut y avoir des absences de signes pendant la journée ;
  • les symptômes se présentent sans provocation spécifique, mais sont majorés par :
    • la station debout ;
    • des mouvements actifs ou passifs quelle que soit la direction ;
    • un environnement visuel mouvant ou des schémas visuels complexes.
  • les symptômes débutent généralement après un événement déclenchant : VPPB, une crise de vertige rotatoire (syndrome vestibulaire aigu) épisodique ou chronique (maladie de Ménière, migraine vestibulaire), crise d’instabilité, maladie neurologique ou médicale, attaque de panique, commotion cérébrale, entorse cervicale. Le facteur déclenchant peut parfaitement disparaître, mais le PPPD va néanmoins persister et même s’aggraver avec le temps ;
  • les symptômes déclenchent une détresse psychologique et une gêne fonctionnelle marquée ;
  • les symptômes ne sont attribuables à aucune autre maladie.
Le diagnostic du PPPD n’est pas un diagnostic d’exclusion.

Comment peut-on expliquer le PPPD ?

Lors de l’événement déclenchant se produit une modification de l’intégration sensorielle. La perturbation de l’information vestibulaire provoque une modification des stratégies sensorielles d’équilibration en favorisant les entrées somesthésiques et visuelles qui sont jugées plus fiables et pertinentes par les fonctions supérieures. Ce processus de maintien de l’intégrité physique et de la survie devrait disparaître lors de la guérison de la pathologie initiale. Or, il n’en est rien ; le patient recrute des fonctions supérieures utilisées habituellement pour des déplacements à risque (chemin escarpé, échelle, VTT, etc.) pour des mouvements de routine ou des situations à faible demande de recherche d’équilibre. Cette stratégie inadaptée peut se maintenir dans le temps et modifier les cartes corticales. Une analogie peut être faite avec le syndrome de douleur chronique « no brain no pain », « no brain no PPPD ».
Un algorithme du processus de PPPD est présenté dans la figure 16.27.
image
Figure 16.27 Algorithme du processus de syndrome persistant postural perceptif (persistant postural-perceptual diziness (PPPD) (d’après Popkirov et al. [94]).

Bilans

Le bilan repose sur :
  • le test de marche de 2 minutes ;
  • le motion sensitivity quotient/test [96] ;
  • le Dizziness Handicap Inventory [97] ;
  • le questionnaire d’anxiété générale de Spielberger ;
  • une échelle analogique (0-10) sur l’ébriété, l’instabilité ressentie ;
  • le Niigata PPPD questionnaire [98], qui permet de quantifier la sévérité du syndrome.
Les troubles de l’équilibre peuvent être évalués par le Clinical Test of Sensory Interaction of Balance modifié ou par une posturographie dynamique. La signature de la posturographie est caractéristique du PPPD selon J. Staab avec une diminution des scores des conditions 2 et 6, et du composite sur Equitest®.

Rééducation

Le kinésithérapeute se doit d’expliquer la pathologie, qui est fonctionnelle et réversible. Il s’agit de faire baisser le niveau d’anxiété, de renforcer positivement, en quelque sorte de coacher le patient.
La rééducation doit être douce et progressive, ménager des pauses, ne proposer aucun exercice qui puisse renforcer les doléances, utiliser les activités désagréablement ressenties par le patient comme exercices potentiels de désensibilisation. La partie la plus importante est d’expliquer le mécanisme de renforcement du contrôle de l’équilibre. On peut donner l’exemple du stress ressenti par un patient atteint de PPPD qui marche sur un trottoir et sa conscience le fait marcher sur une corniche, ou du vécu de l’énergie dépensée lorsqu’on se déplace dans un couloir de train qui roule alors qu’il ne s’agit que de traverser un carrefour.
La désensibilisation visuelle peut débuter par des autostimulations, en faisant par exemple tourner un parapluie bicolore en face de soi ou un tableau hachuré, et être suivie de stimulations optocinétiques, pour finir par des exercices en réalité virtuelle en flux optique ou en environnement 3D.
La lutte contre la fatigue et le stress postural peut tirer bénéfice d’exercices de marche en forêt ou d’exercices de Tai-chi, de préférence à l’extérieur.

Autres traitements adjuvants

Lorsque s’associent des troubles psychiques, en particulier phobiques, il est nécessaire d’envisager un traitement psychothérapique, en particulier axé sur les thérapies comportementales et cognitives.

Cinétoses

Définition

Appelées aussi mal des transports, les cinétoses résultent d’un conflit sensoriel ou d’une inadéquation sensorielle, non résolus par le système central (perturbation de la régulation nerveuse autonome), entre les informations sensorielles visuelles, vestibulaires et proprioceptives qui renseignent l’individu sur son mouvement dans l’espace, au cours et/ou dans les suites d’un déplacement, et quel que soit le mode de transport (voiture, bus, bateau, train, avion).
Ce conflit peut exister entre les informations vestibulaires (accélération, fréquence, durée) [99, 100] et les informations visuelles (conflit visuovestibulaire), ou entre les informations vestibulaires otolithiques et les informations vestibulaires canalaires (conflit vestibulo-vestibulaire).
Ce conflit existe non seulement entre les différentes entrées sensorielles, mais aussi entre les informations sensorielles et les modèles internes établis au préalable par le SNC (développement et expérimentations) que l’individu doit mettre à jour pour intégrer les informations.
La neuro-imagerie a pu authentifier les zones cérébrales impliquées dans les cinétoses [101].
Les cinétoses observées lors des déplacements en bateau sont plus communément appelées naupathies.
Le mal de débarquement, quant à lui, résulterait d’un conflit vestibulo-proprioceptif, à la suite d’un long voyage en mer ou dans les airs, avec une difficulté à se réadapter au référentiel d’un sol stable.
La susceptibilité au mal des transports peut être influencée par deux types de facteurs :
  • facteurs liés au stimulus (type de mouvement, fréquence, amplitude, direction, durée du stimulus) ;
  • facteurs liés à la personne (accoutumance, sensibilité, différences individuelles, comportements protecteurs, posture, administration de médicaments contre le mal des transports).
Les symptômes cliniques des cinétoses sont d’ordre neurovégétatif :
  • nausées, vomissements, inconfort gastrique, conscience épigastrique ;
  • pâleur ;
  • sueurs froides ;
  • salivation excessive ;
  • somnolence ;
  • maux de tête ;
  • étourdissements.
Certains autres facteurs peuvent favoriser les cinétoses :
  • facteurs psychiques : anxiété, fatigue ;
  • facteurs environnementaux : odeurs, chaleur/froid, confinement, bruits.
Selon l’intensité de ces symptômes, une classification des niveaux de sévérité du mal des transports a été proposée par l’échelle de Graybiel et Miller avec détermination d’un score :
  • maladie franche ;
  • malaise grave ;
  • malaise modéré ;
  • malaise léger.

Traitement rééducatif

Les données et avis issus de la littérature divergent quant aux principes de la rééducation. Habituation et adaptation sont toutes deux évoquées comme étant les moyens les plus efficaces pour traiter les cinétoses, et s’inspirent de techniques de « désensibilisation au mal des transports » proposées aux pilotes ou marins militaires, pour qui les traitements médicamenteux sont fortement déconseillés en raison de leurs effets secondaires délétères (somnolence, troubles de la vision).
Cette rééducation, qui peut s’avérer longue, montre cependant un fort taux d’efficacité (> 85 %). Elle se déroule au fauteuil rotatoire et s’appuie sur plusieurs principes :
  • répétition des stimuli ;
  • intensité graduée des stimuli ;
  • motivation du patient.
Lors de rotations à vitesses lentes ou moyennes (selon les auteurs), et progressives de 5 à 15 tours/minute, il est demandé au sujet, assis, de mobiliser la tête dans les trois plans de l’espace – flexion/extension, rotations droite et gauche, inclinaisons droite et gauche.
Le mécanisme de stockage de vitesse et par conséquent la constante de temps du VOR seraient impliqués dans les causes des cinétoses. Ce travail d’habituation au fauteuil rotatoire induirait une diminution de la constante de temps du RVO significativement corrélée avec l’adaptation au mal des transports [102]. L’entraînement vestibulaire aurait un effet sur les réponses perceptuelles.
Cette approche rééducative peut être complétée par des séances de stimulations optocinétiques plein champ. Ces séances sont pratiquées debout, face à un mur dans une salle obscure sans aucun repère visuel fixe, avec des stimuli lumineux projetés à l’horizontal, puis de façon progressivement en oblique, à des vitesses augmentant graduellement au fil de la rééducation ; les performances peuvent aussi être améliorées en proposant un travail sur sol instable (mousses, plateau instable).
Malheureusement, actuellement, peu d’études sont contributives pour valider les résultats de cette technique d’habituation sous stimulation optocinétique.
Le développement de la réalité virtuelle propose aujourd’hui d’autres formes de stimulations sensorielles (vestibulaires, proprioceptives, visuelles, etc.), voire multisensorielles, en créant des environnements réalistes reproduisant les situations de conflits sensoriels génératrices de cinétose ; cet outil permet alors une rééducation active par habituation (figure 16.28).
image
Figure 16.28 Exercice de stimulation neurosensorielle par réalité virtuelle. Source : Virtualis.
Pour lutter de façon plus immédiate contre les cinétoses, des contre-mesures comportementales de protection, cependant incompatibles avec l’exécution de certaines tâches, sont avancées :
  • réduction des mouvements de tête ;
  • alignement de la tête et du corps avec l’axe de gravité ;
  • exercices respiratoires ;
  • position de décubitus dorsal.